Pensée du 25 janvier 20

« Faut-il alors avoir peur de la demande de reconnaissance ? Cette demande ne laisse pas d’inquiéter, tant elle s’éloigne de notre conception traditionnelle de la justice. Elle semble, tout d’abord, résolument hostile à l’universalisme que véhicule l’idéal d’un traitement égal des personnes et des actes. Elle pose, au contraire, que la singularité, le caractère unique d’un groupe, d’une culture ou d’une individualité, méritent le respect et la protection de droits spécifiques, qu’il s’agisse des droits collectifs des minorités nationales, historiques, à se gouverner elles-mêmes, à protéger leurs traditions d’une manière distincte, en particulier leur conception de la justice, ou encore des droits culturels des individus à pratiquer leur religion, leur langue, etc. Il nous semble alors bien difficile de séparer la demande de reconnaissance des revendications identitaires dans leur confusion et leurs ambiguïtés… Enfin, la demande de reconnaissance s’oppose à la justice en voulant maintenir la séparation, la fragmentation entre les groupes humains au lieu de les rassembler dans un « monde humain commun » (H. Arendt). L’important pour chacun, ce n’est pas ce qu’il peut partager avec n’importe qui de manière interchangeable et anonyme, mais ce qui lui permet de s’identifier à un groupe, une histoire, une tradition, une culture particuliers et uniques, irremplaçables. À cette perception négative, je voudrais répondre en disant que la demande de justice inclut, à côté d’autres dimensions, une demande de reconnaissance, et que, si la reconnaissance sans l’impartialité est injuste, inversement l’impartialité sans la reconnaissance est aussi injuste. J’ajouterais qu’il est essentiel qu’une conception démocratique et inclusive de la justice comprenne cette demande de reconnaissance, au lieu d’en avoir peur et de se réfugier dans un universalisme abstrait. »

Cathérine Audard, « L’idée de citoyenneté multiculturelle et la politique de la reconnaissance », L’étranger dans la mondialité, Rue Descartes, n° 37, septembre 2002, p. 25-26.

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2 responses to this post.

  1. Awesome post! Keep up the great work! 🙂

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