Cet hyperespace de la marchandise où s’élabore à bien des égards une socialité nouvelle”. Les objets que l’on peut trouver dans les hypermarchés ne sont plus des réponses à des questions que les hommes se posent, ce sont plutôt les hommes transformés en réponses à la question posée par les objets. Les objets deviennent “des tests, ce sont eux qui nous interrogent et nous sommes sommés de leur répondre, et la réponse est incluse dans la question. Ainsi fonctionnent semblablement tous les messages des médias: ni information ni communication, mais référendum, test perpétuel, réponse circulaire, vérification du code. L’hypermarché: “Pas de relief, de perspective, de ligne de fuite où le regard risquerait de se perdre, mais un écran total où les panneaux publicitaires et les produits eux-mêmes dans leur exposition ininterrompue jouent comme des signes équivalents et successifs. Il y a des employés uniquement occupés à refaire le devant de la scène, l’étalage en surface, là où le prélèvement des consommateurs a pu créer quelque trou. Le self-service ajoute encore à cette absence de profondeur: un même espace homogène, sans médiation, réunit les hommes et les choses, celui de la manipulation directe. Mais qui manipule l’autre?” “L’hypermarché est déjà, au-delà de l’usine et des institutions traditionnelles du capital, le modèle de toute forme future de socialisation contrôlée: retotalisation en un espace-temps homogène de toutes les fonctions dispersées du corps et de la vie sociale (travail, loisir, nourriture, hygiène, transports, médias, culture); retranscription de tous les flux contradictoires en termes de circuits intégrés; espace-temps de toute une simulation opérationnelle de la vie sociale, de toute une structure d’habitat et de trafic.”
Jean Baudrillard, Simulacre et simulation, Editions Calilée.