Pensée du 07 octobre 11
« La postérité pour le philosophe, c’est l’autre monde de l’homme religieux.»
Diderot, Encyclopédie
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GRILLE DE LECTURE
Il est hors de doute que la postérité de l’homme religieux renvoie à l’idée de l’au-delà du monde vécu, d’un futur dont l’avènement est eschatologique. Par eschatologie nous entendons eschaton comme la fin dernière, comme les réalités dernières qui achèveront le temps et l’histoire de l’homme. L’homme religieux quel qu’il soit, a une croyance profonde en un au-delà, en une vie après la mort dont la vie présente est l’anticipation ou la préparation. L’homme religieux vit dans l’espérance de l’avènement d’un monde nouveau, d’une cité céleste où ne règnent que la justice, la vérité, l’amour et la paix. Par sa conscience profonde d’être relié à un Etre supérieur qui serait le moteur de la vie et qui ordonne téléologiquement le monde, tout homme cherche par sa vie à se configurer à la vie de son Auteur.
Il a conscience que s’il veut accéder à cette sphère du divin, il doit se réaliser ici et maintenant selon l’ordre de la justice et de l’amour. Sa vie future est conditionnée par la vie présente. Il vit la béatitude du cœur pur et du cœur pauvre, la béatitude de celui qui attend tout de Dieu, qui sait que l’histoire lui rendra justice et que l’espérance ne déçoit pas. Il devient ainsi contemporain de la vie future par la rectitude de sa vie présente, par la pauvreté de sa vie, et ne quête son bonheur que de Dieu. D’où l’ascèse dans la vie de l’homme religieux comme chemin et exigence de perfection.
Le portrait ainsi dépeint de l’homme religieux, nous pouvons convenir avec Diderot que la postérité du philosophe est comme l’autre monde de l’homme religieux. Le philosophe vise un monde juste. La plus grande récompense que le philosophe puisse espérer, c’est la reconnaissance de la postérité, ou le droit d’entrée dans le temple de l’histoire par la pensée, où il servira d’exemple, de consolation et d’avertissement aux générations à venir. Dès lors la postérité pour le philosophe représente à la fois, le soutien du malheureux qu’on opprime, et le tribunal de l’histoire qui voue un véritable culte à ceux qui ont œuvré pour le progrès de l’humanité, mais qui rétablit aussi la justice, par une saine vengeance, c’est-à-dire, en dénonçant les persécutions que l’homme doit subir.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 27 juillet 11
« Un roman, un poème, un tableau, un morceau de musique sont des individus… C’est en ce sens que le corps est comparable à l’œuvre d’art.»
Maurice MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception
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GRILLE DE LECTURE
Le corps signifie au-delà de lui-même, comme la vision donne à voir beaucoup plus que ce qu’elle voit, comme un roman, un poème, donnent à comprendre plus que les mots, comme la création picturale et la musique dit plus que ce qui est dit. Ainsi, ce style d’être-au-monde qu’est le corps, manifeste une sorte d’imbrication de la nature et de la culture, de l’immanence et de la transcendance. Il est l’horizon de sens par lequel le monde lui-même prend sens et s’exprime tout en étant exprimé.
Ce faisant, les rapports signe-sens, expression-exprimé, sont à réinterpréter, puisque, loin de manifester leur scission, ils témoignent par cette unité existentielle qu’est le corps de leur interdépendance. L’existence charnelle n’est pas d’ordre mécanique, ni non plus du seul ressort de l’organique. Elle est prégnance de sens, ouverture, conscience corporelle et gestes symboliques. En définitive, elle repose sur cette ambiguïté, qui est en même temps condition de richesse, qui fait que l’ordre humain ne vit que d’équivocité ou de plurivocité. Le corps, en tant que style d’être-au-monde, exprime ces sens possibles et ces glissements, porte en lui et hors de lui cette équivocité. Ma chaire est de ce fait une modulation stylistique de mon incarnation, ouverture d’une différence non close sur elle-même.
Dire que le corps est comparable à l’œuvre d’art, cela ne relève pas d’une simple analogie. L’on y voit la preuve tangible de l’origine de tout style, y compris artistique. Exister, humainement s’entend, n’a de sens et de valeur que stylistique. Et, si la comparaison est justement possible, c’est en raison de l’unité vivante et originale qu’est le corps. Dire qu’un roman, un poème, un tableau, un morceau de musique sont des individus, c’est dire que ce sont des êtres où l’on ne peut distinguer l’expression de l’exprimé, ce sont des êtres dont le sens n’est accessible que par un contact direct. Ils rayonnent leur signification sans quitter leur place temporelle.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 08 juillet 11
« La nécessité est dure, mais seule la nécessité permet à l’homme de montrer s’il a du fond. N’importe qui peut vivre arbitrairement ».
Goethe, Lettre de janvier 1781 à Johano friedrich KRAFFRT
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GRILLE DE LECTURE
La nécessité est le propre de l’homme, elle est la catégorie substantielle de l’homme. Elle est au-delà de toutes les contingences de la vie et demeure comme le substrat de l’existence humaine en tant que telle. L’homme est appelé à vivre la nécessité de son être. Vivre la nécessité de son être, c’est ne pas vivre arbitrairement et ne pas vivre arbitrairement c’est échapper à la contingence, à l’accidentel, au superficiel. En clair, c’est se décider au sens, revenir à soi-même comme à son plus sûr logis et ne devoir son bonheur qu’à soi. Ceci ne révèle pas autre chose que le désir d’un centre, d’un chez soi.
Centre signifie ce qui me permet de rester moi-même, de jouir d’une sorte de fraîcheur, de retrouver mon intimité. Dans l’absence de ce centre, je sors de plus en plus de moi pour m’éparpiller. L’éparpillement ne traduit point que j’acquiers ainsi densité ! Au contraire, en allant dans toutes les directions, je m’épuise. Essoufflé, je tombe dans la distraction, le divertissement qui au lieu de me ramener à moi-même m’enfonce loin de mon centre. Seule la nécessité peut me ramener à moi-même. Cet effort de retour à soi est violence faite sur soi-même, la conquête de la nécessité est endurance c’est pourquoi elle est dure.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 06 juillet 11
« Le visage, dans sa nudité, exprime la faiblesse d’un être unique exposé à la mort, mais en même temps l’énoncé d’un impératif qui m’oblige à ne pas le laisser seul ».
Emmanuel LEVINAS, Les imprévus de l’histoire
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GRILLE DE LECTURE
S’il y a une partie du corps qui dit proprement l’homme dans tout ce qu’il est, c’est sans conteste son visage. Le visage est le témoin expressif de ce que nous ressentons, de ce que nous sommes parce qu’il n’est jamais matière simplement ou extériorité pure, parce qu’il est toujours chair et esprit. Nous pouvons alors considérer le visage comme une totalité expressive qui signifie une personne. Tout un chacun sait, parce qu’il vit au quotidien, que notre visage exprime et signifie nos états affectifs et intérieurs et ce par le regard en particulier qui varie en intensité, qui s’illumine ou s’assombrit. Les poètes sont même allés jusqu’à dire que le visage est l’expression de l’intériorité intime puisqu’ils en ont fait les « balcons de l’âme ».
La nudité du visage qui exprime la faiblesse d’un être unique exposé à la mort révèle une idée : celle de l’identité. Ici l’identité dit ce qui porte en soi l’esprit. L’identité de l’homme est différente de celle d’une chose close et fermée sur soi. L’identité de l‘homme renvoie sans doute à l’intime, au secret. Ici le secret n’est pas fermeture, mais il confesse le sacré, qu’on ne doit pas violer et violenter, il inspire respect. Il est donc la profondeur comme ce qui rend possible l’ouverture. La nudité du visage de l’autre en quoi réside la profondeur de son être unique, en faisant signe vers le secret de l’autre, dé-signe ma vocation comme vocation éthique selon Levinas. C’est pourquoi le visage de l’autre me convoque, m’oblige, me rappelle la responsabilité éthique. L’autre vient à moi comme un opprimé, un serviteur souffrant qui supplie mon aide.
Mervy-Monsoleil AMADI
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Pensée du 29 juin 11
« L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle »
Saint-Exupéry, Terre des hommes.
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GRILLE DE LECTURE
L’homme, enfermé dans une maison ténébreuse non-étoilée, finit un jour par s’habituer à sa nouvelle situation. La nuit de la maison lui devient si familière qu’il finit par y faire corps. Cette expérience nous permet de formuler une proposition : l’homme est capable d’adaptation. Il se découvre à chaque fois qu’il se trouve devant une difficulté à laquelle il doit faire face. Ceci ne révèle-t-il pas que l’homme est un être qui se dépasse ?
L’homme n’est pas que cela qui se montre. Il est un au-delà qui se découvre de jour en jour. L’homme habite sa nouvelle condition par son propre être comme il habite son lieu propre qui est son corps. Il sait faire corps avec son milieu environnant. Dans les conditions les plus difficiles, l’homme se sait vivre et c’est cela seulement qui le rend différent des autres êtres qui existent. Il intègre désormais sa nouvelle condition à sa propre vie. Tel un étudiant qui est aussi bien capable d’étudier avec la lumière d’une lampe de bougie qu’avec la lumière de l’électricité. Ceci nous révèle encore une chose que l’homme est un mystère.
Mystère de celui qui vit entre le ciel et la terre, la nuit et le jour, la lumière et les ténèbres, le visible et l’invisible. Ainsi, l’homme vit le jour et la nuit comme faisant partie de son être. L’homme se révèle comme un être de mystère capable de dépasser à chaque instant de sa vie les difficultés qu’il rencontre, capable de traverser les jours sombres de sa vie comme une étoile dans la nuit.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 15 avril 11
« L’homme est cette nuit, le néant vide qui contient tout dans sa simplicité. C’est cette nuit qu’on aperçoit lorsqu’on regarde un homme dans les yeux. On plonge alors dans une nuit qui devient terrible ; c’est la nuit du monde qui se trouve en face de nous ».
Friedrich Hegel, La philosophie de l’Esprit
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GRILLE DE LECTURE
La nuit traduit l’idée de l’obscurité, du néant, de l’invisible, en clair de ce qui échappe, de l’in-objectif. On pourrait en un autre sens dire que la nuit dit l’apparaître de ce qui est comme une frontière pour la conscience objectivante. La nuit est le lieu du silence, elle est cet instant de l’extase originelle où loin des bruits du monde l’Etre a commencé son poème ; lieu où l’Etre s’est comme retiré en attente de l’éclosion du jour. La nuit en ce sens est la préfiguration du jour, elle est l’annonce du jour. Cela souligne l’idée d’une nécessité interne entre le jour et la nuit. La nuit est nécessaire pour le jour, et le jour l’est aussi pour la nuit. La nuit est cela qui prépare le jour. Elle est la dimension de l’épaisseur, de la profondeur. Si l’homme est comparé à la nuit, cela veut dire que l’homme est l’être de profondeur. Cette profondeur est cela qui signifie la nuit qu’on aperçoit lorsqu’on regarde l’homme dans ses yeux, dans son visage.
Le visage est la partie de l’homme qui signifie son humanité. Le visage se donne à voir pour un autre visage, un autre regard et il est toujours susceptible de me révéler, de me donner à lire et à interpréter. Au milieu du visage s’ouvrent les yeux et s’allume le regard. L’un est inséparable de l’autre, avec toutefois cette nuance étonnante que souligne Sartre : le regard apparaît précisément à cet instant fugace où les yeux disparaissent, leur couleur, leur contour, pour n’être plus qu’une intentionnalité, une intensité, une émotion. Ne serait-il pas commode en effet de dire que nous touchons là à l’inexprimable, à la profondeur même de l’homme, à cette part irréductible d’obscurité qui nous habite tous ? Si le regard est silencieux, il n’en signifie pas moins et il suscite une interprétation qui, elle, relève bien de l’exprimable. Le regard peut bien être compris comme cet au-delà des yeux qui leur donne un style singulier, il n’est rien d’autre que l’écho de la profondeur d’une existence sortant d’elle-même puisqu’elle est communication et rencontre d’autrui. Ainsi, le regard reste pouvoir d’échappement sans cesser de rayonner d’un soi. Que l’homme par cet abîme qu’on aperçoit dans les yeux soit comparé à une nuit, cela signifie que son être-là est le visible d’un invisible.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 23 février 11
« La fugacité du temps laisse des traces d’éternité ; ce sont elles qui garantissent la permanence du vrai »
JEAN GRANIER, Art et vérité
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GRILLE DE LECTURE
Le temps est l’instant hors de soi et en fuite devant lui-même selon les trois ek-stases de la temporalité : le présent, le passé et l’avenir, qui nous entraîne dans sa marche inéluctable vers l’accomplissement de notre destinée. La destinée ne dit-elle pas l’attitude de l’être tendu vers la mort au sens heideggérien ? La mort comme passage obligé de l’être humain et ouverture sur un autre monde, celui qui nous fait entrer dans la béatitude de l’Etre. Le temps est donc l’essence de l’homme, il est une dimension fondamentale de l’existence humaine. Etant essence de notre être, voué à la finitude, le temps est toujours en marche vers un avenir. Il est une marche vers l’avenir. Le temps en tant que temporalité se temporalise comme avenir-qui-va-passer-en-venant-au-présent. En ce sens l’avenir n’est pas antérieur au passé et celui-ci n’est pas antérieur au présent.
Le temps est cela qui est à la fois distinct et inséparable ; le présent n’est pas fermé sur lui-même mais se transcende vers un avenir et au-delà d’un passé qui forment avec lui l’unité du temps intérieur. Cette fuite des instants du temps devant lui-même, ne vient-elle pas dire la fugacité du temps ? La fugacité dit la dimension d’une chose qui est en fuite d’elle-même. Or il semble qu’il n’y a de mouvement que par rapport à une stabilité. En ce sens, encore une fois, la fugacité du temps ne vient-elle pas dire la nécessité de la permanence ? La mobilité fait du temps la substance des choses. Dans le passage du temps, seul reste les traces de d’éternité, ces traces sont seules ce qui nous rassure de l’éternité du temps et de la permanence de notre être.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 08 mai 10
« La crise de l’humanisme à notre époque a, sans doute, sa source dans l’expérience de l’inefficacité humaine qu’accusent l’abondance de nos moyens d’agir et l’étendue de nos ambitions. »
Emmanuel LEVINAS, Humanisme de l’autre homme
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GRILLE DE LECTURE
L’injustice dans le monde, les conflits interhumains et les guerres fratricides etc. qui chaque jour endeuillent l’humanité, posent le problème du sens de l’humain. Notre monde est celui de l’efficience où l’homme oublie l’autre homme au profit du matériel. La question qui ressort de cette citation qui nous est donnée à penser est celle de savoir « quel humanisme pour notre monde d’aujourd’hui ? »
Levinas en appelle à un nouvel humanisme fondé sur la morale, l’éthique de l’autre, du visage, pour redonner sens à l’autre homme. L’expérience de l’inefficacité humaine est une inefficacité intellectuelle à penser un vrai humanisme de l’autre homme. Il y a comme une crise de l’intellectualisme au niveau de la pensée philosophique.
Au fond de cette citation se glisse une subtile critique du totalitarisme hitlérien et du national-socialisme qui vidaient le concept humain de son contenu. L’humain est réifié, il perd son sens, il devient l’objet de ses propres œuvres, l’homme perd son sens d’être rationnel, il perd ses privilèges dans le monde. L’humain est sacrifié sur l’autel de la chosification. C’est pourquoi la pensée de Levinas donne la primauté à l’éthique comme philosophie première.
Mervy Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 04 avril 10
« Il n’est même pas exclu en principe que l’humanité, comme une phrase qui n’arrive pas à s’achever, échoue en cours de route ».
Maurice MERLEAU-PONTY, Signes
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GRILLE DE LECTURE
L’histoire de l’homme a fait et fait, plus peut-être qu’aucune autre, l’expérience de la contingence. La contingence est l’état d’une chose sans nécessité. L’histoire est sans nécessité parce que l’homme n’arrive pas à la dompter, parce qu’il n’en est pas le maître. Le passé, le présent comme l’avenir ne cessent de nous surprendre. Le passé étant un ancien avenir et un présent récent, le présent comme un passé prochain et un avenir passé et enfin l’avenir comme un présent et un passé à-venir s’inscrivent dans l’ordre de l’imprévisible, de ce qu’on ne peut pas objectiver, de ce qu’on ne peut pas saisir.
L’histoire de l’homme fait signer vers l’homme de l’histoire. L’homme ne vit pas dans l’histoire mais il est son propre histoire. L’homme fait son histoire. L’histoire de l’homme commence au moment où il commence à exister. L’homme n’habite pas l’histoire à la manière d’un caillou, il est son histoire. Le rapport de l’homme à l’histoire n’est que pure immixtion. L’histoire, c’est l’homme. C’est ainsi que l’homme est historique. L’homme est la texture de l’histoire, la chair de l’histoire. Si donc l’histoire est contingente cela veut dire que l’homme l’est aussi. L’homme historique traîne la contingence de l’histoire. L’humanité a partie liée avec l’imprévisible et la contingence. Voilà pourquoi malgré la grandeur de l’homme et la place qu’il tient dans le cours des choses, il reste un être factice ; il est aussi bien voué à l’échec qu’à la réussite.
Heidegger disait que l’homme est un poème commencé par l’être. Son poème est inachevé. L’homme est essentiellement un être à mystère, mystère de celui qui habite entre le ciel et la terre, de celui qui est une tension incessante et une nécessité contingente, aussi bien capable du bien que du mal. Ce mystère est cela qui se manifeste par les imprévus de l’histoire dont parlait Emmanuel Levinas. L’homme est un être fragile, dont les projets sont toujours en cours d’élaboration. En dépit de sa disposition au bien, on peut croire qu’il n’existe pas au principe de la vie humaine quelque chose qui dirigerait l’homme seulement et seulement vers le bien. Par sa liberté grande et fragile, sa liberté d’une grande fragilité, il lui arrive d’échouer en cours de route.
Mervy Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 20 mars 10
« Le visage, dans sa nudité, exprime la faiblesse d’un être unique exposé à la mort, mais en même temps l’énoncé d’un impératif qui m’oblige à ne pas le laisser seul ».
Emmanuel LEVINAS, Les imprévus de l’histoire
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GRILLE DE LECTURE
S’il y a une partie du corps qui dit proprement l’homme dans tout ce qu’il est, c’est sans conteste son visage. Le visage est le témoin expressif de ce que nous ressentons, de ce que nous sommes parce qu’il n’est jamais matière simplement ou extériorité pure, parce qu’il est toujours chair et esprit. Nous pouvons alors considérer le visage comme une totalité expressive qui signifie une personne. Tout un chacun sait, parce qu’il vit et fait au quotidien l’expérience sensible du visage, que notre visage exprime et signifie nos états affectifs et intérieurs, et ce par le regard en particulier qui varie en intensité, qui s’illumine ou s’assombrit. Les poètes sont même allés jusqu’à dire que le visage est l’expression de l’intériorité intime puisqu’ils en ont fait les « balcons de l’âme ».
Mais la nudité du visage exprime la faiblesse d’un être solitaire, exposé à la mort ; elle révèle une idée de l’identité profonde de tout homme. Ici l’identité dit ce qui porte en soi l’esprit. L’identité de l’homme est différente de celle d’une chose close et fermée sur soi. L’identité de l‘homme renvoie sans doute à l’intime, au secret. Et le secret n’est pas fermeture, mais il confesse un au-delà du matériel, le sacré, qu’on ne doit pas violer et violenter, il inspire respect. L’identité intime est la profondeur qui rend possible l’ouverture. Ainsi, la nudité du visage de l’autre, en quoi réside la profondeur de son être unique, en faisant signe vers le secret de l’être, dé-signe ma vocation comme vocation éthique selon Levinas. C’est pourquoi le visage de l’autre me convoque, m’oblige, me rappelle la responsabilité éthique. L’autre vient à moi comme un opprimé, un serviteur souffrant qui supplie mon aide.
Mervy Monsoleil AMADI, op
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