fr Mervy Monsoleil Amadi, op, académicien rappelé à Dieu le 04 janvier 2016
« En quoi la philosophie a-t-elle échoué ? La réponse est claire, elle a échoué en ce qu’elle n’a pas pu atteindre l’homme dans ce qu’il est de plus profond. Si la philosophie qui de nature est non-intégriste, si la philosophie qui a essentiellement une parenté intime avec l’ouverture à l’autre et le dialogue avec autrui, n’a pas pu transformer l’homme, n’a pas pu communiquer à l’homme le sens aigu de l’écoute de l’autre et de l’agir communicationnel, c’est qu’elle a raté sa mission. Si même, une civilisation qui s’est longtemps montrée détentrice de la raison, la niant ainsi aux autres, fait montre en plein vingt et unième siècle, d’une insanité profonde dans les relations qu’elle entretient à l’autre, cela témoigne déjà que cette sagesse qu’elle croit détenir ne s’est pas véritablement incarnée en elle, dans sa vie… »
Monsoleil-Mervy AMADI, op, « L’hospitalité en fuite et l’échec de la philosophie…
« La relation à autrui est un rapport concret, elle se tient toujours et déjà avant l’engagement de mon égo, elle m’affecte. Il y a une possibilité originaire de mon existence au monde qui me donne d’être en relation à l’autre avant toute pensée. C’est en ce sens que Gary Brent Madison écrit : « l’existence d’autrui ne pose pas de problème puisque en tant qu’être au monde je suis immédiatement présent à autrui qui est lui aussi être au monde. La relation à autrui passe donc par le monde »
Monsoleil-Mervy AMADI, op, « L’hospitalité en fuite et l’échec de la philosophie…
« Au moment où le vent violent et délétère des guerres fratricides, des luttes de mort pour la conquête du pouvoir, des révolutions et insurrections populaires souffle sur le continent africain, et produit ainsi une atmosphère non-éthérique pour l’homme, pour l’humain, il se crée un climat général de méfiance vis-à-vis de l’autre. Un climat qui, on le voit, dégénère en une xénophobie exacerbée, en la haine de l’autre. Des murs de fer s’érigent ici et là, des frontières s’établissent entre les hommes et les atomisent de plus en plus. La raison semble quitter le quartier de l’homme pour se faire ami des armes. En clair, la parole est donnée aux armes ! Il n’y a plus de dialogue entre les hommes ! L’homme baigne dans une insanité totale. Les passions de guerre font marcher l’homme sur sa tête ôtant à ce dernier sa vocation première qui est l’amour de l’autre. Dans ces conditions, le visage humain perd son inviolabilité, sa valeur infinie et se réduit à son être-là, dans sa plasticité et dans son appartenance à tel ou tel parti politique, telle ou telle tribu, ethnie, race etc. L’homme vit sous l’étiquette de son appartenance grégaire à un groupe ou à une catégorie donnée… »
Mervy-Monsoleil AMADI, op, « L’hospitalité en fuite et l’échec de la philosophie…
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Pensée du 13 octobre
« L’idée de Dieu fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence. Nous nions Dieu… par là seulement nous sauvons le monde. »
NIETZSCHE, Le crépuscule des idoles
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GRILLE DE LECTURE
Nietzsche associe « Dieu » aux interdits qui empêchent le sujet de vivre selon son naturel, de faire ce qu’il désire et ce qu’il projette lui-même. Par son athéisme Nietzsche appelle de ses vœux un type d’homme nouveau qui ose aller son propre chemin en évitant deux écueils. Il veut d’abord éviter un Dieu moralisateur dont l’essence réside dans une perfection qui nous étouffe, un Etre suprême incapable de devenir, de changer, de se renouveler, donc de vivre une vie véritable. Eviter un Dieu dont le domaine est le passé parfait, l’idée conclue, le fait accompli, le jugement sans appel, la sentence définitive, car sa raideur risque toujours de se propager et d’entraver la vie ; éviter ce Dieu de la mort, mort lui-même, en tuant s’il le faut son ombre qui hante encore nos parages . Mais il veut aussi échapper à l’autre extrême, celui du nihilisme séculier et « laïc » qui rend impossible toute nouveauté véritable par manque d’imagination.
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Pensée du 22 juin 11
« La raison cherche son autre, sachant bien qu’en lui elle ne possèdera rien d’autre qu’elle-même ; elle quête seulement sa propre infinité. »
Hegel, Phénoménologie de l’esprit
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GRILLE DE LECTURE
L’idéalisme hégélien confesse que le fini est fini de l’infini, que l’autre est l’autre du même. Le positif et le négatif, dans une relation dialectique, coexistent et vivent ensemble. C’est dans le mouvement dialectique que la raison s’altère et s’explicite dans l’histoire. Dans le mouvement dialectique la raison est en parcours d’elle-même. La raison pour autant qu’elle est raison doit se poser hors de soi. La vie est une et diverse, seul ce qui est un peut se diviser, peut s’éclater.
La raison universelle ne perd rien de son être en s’avérant, puisqu’elle se scinde de toute éternité, avant la temporalité phénoménale, elle se différencie et se divise, faisant sortir de soi autrui. La raison n’est pas solitaire et monolithique, même dans sa dimension spirituelle, c’est-à-dire avant le temps. En ce sens, la différence qui existe en l’Idée de toute éternité, devient séparation, voire négation et rupture intérieure, intériorisée, déjà dans le but de rejoindre pleinement la nature. Dans le mouvement dialectique la raison ne perd rien d’elle-même, puisque c’est elle qui se pose comme autre. Le soi dans la dialectique se pose comme autre et dans un troisième moment de la dialectique se reprend comme esprit absolu.
Le jaillissement de cette unité dans la différence est perçu par Hegel, ce penseur moderne à la frontière entre le christianisme biblique et le panthéisme romantique, dans l’histoire de Jésus-Christ. D’emblée il fixe son regard sur la croix comme le point culminant de l’incarnation (Leçons sur la philosophie de la religion, 3e partie. La religion absolue, p. 163). Parce que l’Autre éternel de Dieu est devenu mortel et qu’il est mort en effet, il est devenu pleinement homme. C’est ainsi que s’effectue la jonction entre le mode d’être divin de l’Esprit universel et son mode d’être humain. Il est donc évident que chez Hegel Dieu, l’Idée, la Raison est sans cesse en colloque et en récollection de soi d’où la célèbre affirmation : ce qui est effectif est rationnel et ce qui est rationnel est effectif.
Monsoleil-Mervy AMADI, op
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Pensée du 10 juin 11
« La beauté n’est certes pas seule à être proche, et l’horreur nous stupéfie d’une proximité absolue et fascinante qui toujours interdit déjà toute tentative pour l’éloigner. «
Jean-Louis CHRETIEN, L’effroi du beau
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GRILLE DE LECTURE
Devant une belle fleur, une belle œuvre d’art, en écoutant une musique classique du genre Mozart, Jean Sébastien Bach, nous sommes comme saisis d’une émotion, d’une émotion certes esthétique. Cette émotion esthétique nous vient du fait que la beauté de la fleur, de la peinture, ou l’harmonieux son de la musique nous saisit du fond de notre être. La beauté de la fleur nous est d’une telle splendeur qu’a sa rencontre, nous sommes comme pris et compris par elle. Le beau nous est d’une telle proximité qu’il ne peut pas nous laisser indemnes. La beauté nous éprouve, nous blesse d’une blessure sublime, sa rencontre est joie mais d’une joie douloureuse, tellement douloureuse qu’elle laisse ses traces. Les traces du beau nous rappellent à chaque moment de la vie la proximité du beau. Ses traces viennent dire l’absence d’un il y a. Mais l’absence d’une chose à sa place est cela qui révèle du même coup qu’il lui était essentiel d’avoir une place, constitutive de son mode d’être.
Le clignotement du proche à travers ses traces dit sa présence. Le présent est présent du lointain. Du coup, l’oubli de la beauté devient difficile dans le sens où l’oubli d’une chose dans la proximité familière n’est pas disparition négatrice ; mais la chose oubliée fait corps avec son surgissement comme chose disponible, toujours et déjà-là dans une présence absente. Certes, la beauté n’est pas seule à être proche, mais elle est la seule à nous éprouver d’une épreuve esthétique. La beauté qui se suffit pourtant nous appelle, et nous impose, sans esquive possible, la charge de lui répondre et de lui correspondre. Cette réponse ne peut qu’être l’acte de louer. Or nos louanges, pour paraphraser l’un des grands chantres de la beauté divine, n’ajoutent rien à la splendeur de la beauté mais ils nous rapprochent d’elle d’une proximité absolue.
Monsoleil-Mervy AMADI, op
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Pensée du 08 avril 11
« Le sens de la recherche herméneutique est de dévoiler le miracle de la compréhension et non pas la communication mystérieuse des âmes ».
Hans-Georg GADAMER, Le problème de la conscience historique
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GRILLE DE LECTURE
L’objectif que Gadamer assigne à son herméneutique est le comprendre en tant que tel. En passant, nous pouvons dire que la pensée de Gadamer est tributaire de l’héritage de l’herméneutique existentiale du Dasein qu’avait élaborée Heidegger. Il suit l’analyse heideggérienne de la temporalité du Dasein, et souligne que comprendre n’est pas un mode de comportement d’un sujet parmi d’autres, mais un mode d’être du Dasein lui-même. Dans le même sens, on pourrait dire que l’herméneutique qui, pour Gadamer, est synonyme de compréhension est le mode d’être par excellence du Dasein. En suivant Heidegger, l’herméneutique gadamérienne se démarque de l’herméneutique subjectivo-psychologique de Schleiermacher où il s’agit d’un acte divinatoire, de la communion mystérieuse des âmes. Pour Schleiermacher l’esprit dans son dynamisme créateur recèle toujours une marge inattendue. Et c’est ce qui doit orienter la tâche de l’herméneute. C’est en cela qu’il appelle l’herméneute ou l’interprète d’une œuvre à s’identifier à la vie intérieure et extérieure de l’auteur de celle-ci par une approche quasiment divinatoire. Gadamer, resté fidèle disciple de Martin Heidegger jusqu’à un moment donné, pense que la compréhension d’un texte est plutôt déterminée par la pré-compréhension de l’interprète. C’est pour cela qu’il considère que l’anticipation du sens qui nous amène à comprendre un texte n’est pas un acte subjectif, mais elle est déterminée par le lien commun avec la tradition. Le comprendre prend ainsi une dimension mystérieuse. C’est en ce sens qu’il affirme que « Le sens de la recherche herméneutique est de dévoiler le miracle de la compréhension et non pas la communication mystérieuse des âmes ».
Mervy AMADI, op
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Pensée du 08 décembre 10
« Nous appelons personnaliste toute doctrine, toute civilisation affirmant le primat de la personne humaine sur les nécessités matérielles et sur les appareils collectifs qui soutiennent son développement ».
Emmanuel MOUNIER, Manifeste du personnalisme.
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GRILLE DE LECTURE
Le personnalisme est un courant de pensée qui pose l’absoluité de la personne. Il veut donc affirmer le caractère absolu de la personne humaine. Nous savons qu’une personne est un individu en relation, en rapport avec les autres. C’est dire qu’une personne ne peut qu’être relationnelle. La relation est au cœur de tout ce qui est fait pour son bonheur, son développement, son mieux-être social. L’absoluité de la personne humaine vient dire aussi l’absoluité de sa vie, de son existence. Nous pensons alors que tout ce qui constitue sa vie, son existence, ses réalités, son histoire est absolu, c’est-à-dire qu’il n’est pas à relativiser. Il prime absolument sur tout.
Toutes les actions qui concernent la personne humaine ne peuvent avoir de sens que si elles sont orientées vers la personne humaine. Dans cette pensée que nous sommes en train de méditer, Mounier veut nous montrer que toute entreprise concernant la personne ne peut la surpasser, se passer de ses réelles aspirations existentielles. La personne doit être à l’origine, au centre et à la fin de tout cela. Une civilisation, une quelconque œuvre, un quelconque faire ne peut faire et ne doit faire fi de la personne humaine. Tout doit être orienté vers elle. Le personnalisme vient rappeler que toutes les politiques, toutes les entreprises humaines sont pour la personne humaine.
On peut dire que la personne humaine est aux yeux du personnalisme « sacrée » et son être, « sacré ». Le développement en société ne sera développement que dans la mesure où il prend en compte la personne humaine. Dans cette ère de la technologie pointue, le personnalisme tire la sonnette d’alarme pour la considération de la personne. La vie humaine n’est pas à dénaturer. La personne n’est pas à aliéner, à dénaturer. Tout doit se faire par l’homme et pour l’homme. La recherche effrénée des produits, du matériel de tout genre (posé comme ce qui est visé et donc ce qui est absolument la fin des entreprises technoscientifiques) est un dérapage. Tout ce qui menace la vie humaine, la personne humaine doit être banni pour son bonheur. La personne est valorisée dans toute conception personnaliste. La personne comme un être « absolu » prime sur tout.
Mervy AMADI, op
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Pensée du 06 décembre 2009
« Il y a des circonstances où la vérité ne doit pas montrer son visage à découvert et le silence fut toujours chez les mortels le fruit de la haute sagesse. »
PINDARE, Les Néméennes
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GRILLE DE LECTURE
La vérité est cela qui se montre, elle est le se-montrant, elle est en son essence dévoilement. Nous savons qu’il est de la nature même de la vérité de s’avérer, de se montrer. Mais il nous semble qu’il y a un accent religieux (au sens le plus large du terme) dans cette pensée. L’auteur semble nous inviter ici à pénétrer le grand mystère de la vérité. Il est bien vrai qu’il est de l’être de la vérité de se révéler, mais elle reste et demeure toujours quelque chose à quêter. La vérité comme la lumière qui éclaire, demeure en son fond dans l’obscurité.
Devant ce grand mystère de la vérité, seul le silence peut aider l’homme sage à rester attentif à la révélabilité de l’être de la vérité. L’homme sage est celui qui est assis dans une sérénité recueillante pour écouter la voie de l’être qui passe comme dans une brise légère, dans une nuit étincelante, pour nous communiquer les mystères insondables de la vérité. C’est en sens que le silence est la vertu de l’homme sage.
Mervy Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 28 décembre 2009
« Penser, c’est se limiter à une unique idée, qui un jour demeurera comme une étoile dans le ciel du monde. »
HEIDEGGER, L’Expérience de la pensée
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GRILLE DE LECTURE
Heidegger nous invite à faire l’expérience de la pensée. Vivre c’est penser et penser c’est choisir, ce qui implique le fait que le choix est une nécessité pour la vie ; le philosophe est appelé à se faire habiter par une seule question qui traverse sa vie. Qui veut tout embrasser court le risque de tout perdre. A force de vouloir tout penser, nous courons le risque de ne rester que dans des instants de vague, sur la superficie de la chose pensée. Tout embrasser est promesse d’une pensée creuse, sans fond. Notre vie est optionnelle, notre vie est un choix et le philosophe est appelé à vivre sa pensée et à penser sa vie. La tradition philosophique nous enseigne qu’il n’y avait pas eu deux Aristote, ni deux Kant, ni deux Hegel. Ces penseurs restent encore immortels parce qu’ils ont été habités par une question, par la qualité de leurs œuvres. Le philosophe se détermine par la qualité de sa pensée. En fait l’incantation du philosophe de la forêt noire est une invite à la tempérance intellectuelle, à laGelassenheit. Le penseur est comme la taupe qui creuse son chemin dans l’obscurité afin de parvenir à la lumière.
Mervy Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 14 mars 12
« Autrui n’est jamais tout à fait un être personnel, si j’en suis un moi-même absolument, et si je me saisis dans une évidence apodictique. »
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception.
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GRILLE DE LECTURE
Le cours de l’histoire générale du monde garde en arrière-plan une image de méfiance entre les hommes. C’est de cela que ne cessent de témoigner les conflits meurtriers qui chaque jour endeuillent l’humanité. L’homme désormais a une manière de se poser par rapport à l’autre. La construction du Moi ne laisse pas de place à l’autre ; dans cette optique, l’autre se voit réifié, chosifiée. Dans ce sens, comment redonner place à autrui ?
Pour Merleau-Ponty, redonner place à autrui, c’est le laisser vivre comme sujet. Or, tant qu’autrui réside dans le monde, qu’il y est visible et qu’il fait partie de mon champ, il n’est jamais un Ego au sens où je le suis pour moi-même. Pour le penser comme un véritable Je, je devrais me penser comme simple objet pour lui, ce qui m’est interdit par le savoir que j’ai de moi-même. Ni moi ni autrui, personne n’est réductible à un objet. Ainsi pour que je laisse autrui vivre et qu’il me laisse vivre, ni moi, ni lui ne devrons nous poser comme un absolu. Je ne suis pas transparent à moi-même et ma subjectivité traîne après elle son corps. La présence d’autrui est plus que nécessaire pour me révéler à moi. Le regard absolu est unilatéral et ramène tout à soi. Pour une authentique relation, l’homme doit sortir de son ipséité, de sa subjectivité monadologique afin de s’ouvrir à l’autre. C’est pourquoi le corps merleau-pontien est déhiscence, ouverture. Ouverture à autrui parce que nous partageons un même sol corporel, une même chair.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 07 mars 12
« Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. »
Camus, Le Mythe de Sisyphe.
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GRILLE DE LECTURE
Interroger la vie nous conduit souvent à la problématique du sens. D’abord, parce que vivre c’est sentir et se sentir. Toute vie s’éprouve d’abord, agréable ou désagréable, l’existence est toujours sentiment d’exister. Mais lorsqu’il s’agit de la vie d’un être raisonnable, nous cherchons à comprendre, comment, pourquoi et en vue de quoi il vit. Dans cette nouvelle perspective, la question du sens n’est pas sans importance, car c’est de sa réponse que dépend la valeur de la vie : la vie vaut-elle ou non la peine d’être vécue, et qu’est-ce qui peut lui donner cette valeur ? D’où découle une autre question : sommes-nous maître de notre vie, ou en sommes-nous toujours dépossédé, d’une manière ou d’une autre ?
Telles sont les questions qui habitent journellement l’homme. Questions qui nourrissent la quotidienneté philosophique du philosophe. Avoir affaire au sens de la vie même ou plutôt à son non-sens, c’est enfin penser aux choses sérieuses. Comme le dit Camus dans le même texte, « il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. » Et les autres problèmes que pose la philosophie gravitent autour de la question du sens de la vie ou convergent sur cela. L’expérience de la vie est une question capitale de la philosophie, elle est aussi au cœur de la pensée camusienne. En un mot la question du sens de la vie répond à la vocation fondamentale de la philosophie.
Mervy-Monsoleil AMADI, op
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Pensée du 14 mars 10
« L’homme est cette nuit, le néant vide qui contient tout dans sa simplicité. C’est cette nuit qu’on aperçoit lorsqu’on regarde un homme dans les yeux. On plonge alors dans une nuit qui devient terrible ; c’est la nuit du monde qui se trouve en face de nous ».
HEGEL, La philosophie de l’Esprit
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GRILLE DE LECTURE
La nuit traduit l’idée de l’obscurité, du néant, de l’invisible, en clair de ce qui échappe, de l’in-objectif. On pourrait en un autre sens dire que la nuit dit l’apparaître de ce qui est comme frontière pour la conscience objectivante. La nuit est le lieu du silence, elle est cet instant de l’extase originelle où loin des bruits du monde l’Etre a commencé son poème. Lieu où l’Etre s’est comme retiré en attente de l’éclosion du jour. La nuit en ce sens est la préfiguration du jour, elle est l’annonce du jour.
Cela souligne l’idée d’une nécessité interne lorsque nous parlons du jour ou de la nuit. La nuit est nécessaire pour le jour, et le jour l’est aussi pour la nuit. La nuit est cela qui prépare le jour. Elle est la dimension de l’épaisseur, de profondeur. Si l’homme est comparé à la nuit, cela veut dire que l’homme est l’être de profondeur. Cette profondeur est cela qui signifie la nuit qu’on aperçoit lorsqu’on regarde l’homme dans ses yeux, dans son visage.
Le visage est la partie de l’homme qui signifie son humanité. Le visage se donne à voir pour un autre visage, un autre regard et il est toujours susceptible de me révéler, de me donner à lire et à interpréter. Au milieu du visage s’ouvrent les yeux et s’allume le regard. L’un est inséparable de l’autre, avec toutefois cette nuance étonnante que souligne Sartre : le regard apparaît précisément à cet instant fugace où les yeux disparaissent, leur couleur, leur contour, pour n’être plus qu’une intentionnalité, une intensité, une émotion. Ne serait-il pas commode en effet de dire que nous touchons là à l’inexprimable, à la profondeur même de l’homme, à cette part irréductible d’obscurité qui nous habite tous ?
Si le regard est silencieux, il n’en signifie pas moins et il suscite une interprétation qui, elle, relève bien l’exprimable. Le regard peut bien être compris comme cet au-delà des yeux qui leur donne un style singulier, il n’est rien d’autre que l’écho de la profondeur d’une existence sortant d’elle-même puisqu’elle est communication et rencontre d’autrui. Ainsi le regard reste pouvoir d’échappement sans cesser de rayonner d’un soi. Que l’homme par cet abîme qu’on aperçoit dans les yeux soit comparé à une nuit, cela signifie que son être-là est le visible d’un invisible.
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Pensée du 13 mars 10
« Ce sont les questions qui font le philosophe ».
Paul VALERY, Tel quel
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GRILLE DE LECTURE
Le philosophe est un quêteur, pas un quêteur d’autre chose mais de la sagesse. En sachant qu’il ne sait rien, il se met en route et va à la recherche du savoir, la connaissance, la sagesse. Nous sommes tous des ignorants mais à la différence du commun des mortels, le philosophe est un ignorant insatisfait. L’insatisfaction du philosophe est cela qui le met en route. Il ne se satisfait pas de cela qui lui est donné, il veut voir clair. Le voir clair traduit l’idée de la vérité, de la lumière. Si nous regardons de plus près, le premier effet de la recherche de la lumière est de nous détacher de ce premier rapport que nous avons au monde, de cette foi primordiale que nous avons dès l’instant où nous ouvrons nos yeux. Et ce premier pas est plus difficile, parce que l’accoutumance au monde et nous-mêmes finit par nous faire admettre que tout va de soi, que les choses sont ce qu’elles sont dans des rapports absolument stables qui ne sont susceptibles d’aucune révision. Dans un tel univers nous regardons les choses sans vraiment les voir, sans faire sérieusement attention à elles. Dans un tel univers, seul peut connaître celui qui a l’esprit éveillé ; l’esprit éveillé dit l’attitude de celui qui ne reste pas collé aux choses, celui qui se laisse interroger par les choses, en clair, celui qui se questionne et questionne les choses. Le questionnement est le point zéro de toute connaissance, c’est là que commence la quête du savoir. Si le philosophe est caractérisé par les questions c’est parce qu’il est amoureux de la sagesse. Les questionnements du philosophe ne sont pas des paroles creuses et oiseuses déconnectées de la réalité mais des paroles qui s’enchevêtrent à la racine de l’Etre. Le philosophe interroge et se laisse interroger. Il n’attend de réponse à aucune de ses questions puisqu’ à chaque fois, les réponses à ses questions deviennent encore d’autres questions. Désormais, c’est dans son rapport au monde que quelque chose vient l’interroger, l’invitant à se détacher de ses certitudes premières.
Mervy-Monsoleil AMADI, op