Le Dieu des philosophes

« Ce n’est pas parce que nous avons besoin de l’idée de Dieu, qu’elle a une quelconque valeur démonstrative : elle ne témoigne jamais que de notre humanité. Les preuves que nous pouvons faire valoir ne renvoient pas à un être existant mais à notre propre pensée ; rien de plus. »

Pierre-Yves Bourdil, Le Dieu des philosophes

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GRILLE DE LECTURE

On se dirait dans une nouvelle version des critiques de Feuerbach dans L’Essence du christianisme. Il ne s’agit pas ici directement de religion, mais de la critique des preuves métaphysiques de l’existence de Dieu. Nous rappelons tout de même que pour Ludwig Feuerbach, la religion est une des formes radicales d’aliénation anthropologique, et il faut en démonter la mécanique en mettant rationnellement au jour ce qui constitue son essence. Ainsi, les religions ne font que projeter sur Dieu l’essence et les attributs humains.

La critique de Pierre-Yves Bourdil s’inscrit dans la droite ligne de celle développée par Emmanuel Kant contre les preuves de l’existence de Dieu. Elle relève trois éléments : tout d’abord, la preuve rationnelle de Dieu est l’expression d’un besoin humain mais ne justifie pas les prétentions de l’entreprise. Ensuite, ce besoin est le lieu d’une projection de notre humanité sur Dieu. Enfin, cet effort intellectuel humain ne prouve jamais un Dieu existant. Ce jugement de Pierre-Yves Bourdil est implacable, il souligne l’incapacité de la raison humaine à atteindre l’objet divin de son désir.

Pour être proche de la critique de Feuerbach, cette approche est à la fois très kantienne dans la mesure où pour Kant, les preuves a priori de l’existence de Dieu ne sont guère conclusives. La connaissance tend vers l’intuition de son objet mais l’intuition n’a lieu qu’autant que l’objet nous est donné. De fait, l’existence n’est pas une propriété que l’on puisse démontrer, elle est indéductible, elle se constate dans l’expérience. Dieu ne peut qu’être postulé par la raison pratique comme le fondement du sens moral de l’homme.

Emmanuel Avonyo