L ' A C A D E M O S

Pensée du 17 janvier 11

« La notion de liberté de conscience est particulièrement délicate à appréhender, en raison de son épaisseur sémantique, historique et géographique. Mettant en jeu deux concepts complexes, et déjà âprement controversés au cours des siècles, la liberté et la conscience, sa définition a fait l’objet de multiples débats qui ne sont pas épuisés encore aujourd’hui. »

Valentine ZUBER, Encyclopedia universalis

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GRILLE DE LECTURE

Dans les sciences dures ou exactes comme les mathématiques, la chimie ou la physique, il n’y a point de liberté de conscience, observe Auguste Comte. Ne pas adhérer à des résultats prouvés en laboratoire ou éprouvés scientifiquement, c’est choisir le chemin de l’absurdité contre soi-même. Les sciences empiriques livrent des résultats dits apodictiques, qui s’imposent par leur évidence observable. Tel n’est pas le cas dans d’autres domaines de connaissance. En morale, ou en religion, où l’on parle de liberté de conscience, il s’agit de poser des actes libres qui visent le bien. Restons en morale pour une illustration de cette notion complexe de liberté de conscience. La morale se présente pourtant comme une science selon Pascal. Le positiviste Lévy-Bruhl aussi conçoit la morale comme une science descriptive des mœurs. De même, le philosophe moraliste André Léonard définit la morale comme une science normative catégorique de l’agir humain.

La morale est donc une science, mais elle est tout au plus une science qui suggère les comportements conformes à la fin de l’homme. Et les mœurs ne sont pas les matières les plus constantes. La question de la crédibilité et de l’absoluité de la morale se pose souvent. Celle-ci recouvre habituellement d’autres questions. Qui fixe le critérium du bien ? Selon quels critères agir ? Est-on obligé de vivre sous une norme ? L’homme doit disposer d’une mesure réglant ses jugements et ses choix. Car il ne suffit pas de savoir que c’est chaque société qui définit ses normes en essayant de les élever au niveau de l’universel ; que les normes sont une ordonnance de la raison naturelle, que c’est chaque conscience qui sous la régulation de la raison ou la « volonté générale », choisit de poser des actes en fonction de ce qu’il croit être sa fin ultime. La science des mœurs ne peut pas se passer de liberté de conscience. Il ne suffit pas de savoir ce qui est bon ou mauvais, il faut pouvoir se déterminer librement, il faut pouvoir choisir.

La liberté de conscience est l’affirmation des droits de la conscience individuelle face à toutes ses décisions. Traiter de la conscience morale, c’est en réalité, disait Paul Valadier, aborder la vie morale en son point central, celui de la décision, c’est-à-dire le choix que fait une personne de s’engager sur un acte qu’elle assume de manière à pouvoir en rendre compte devant elle-même, devant autrui, ou devant Dieu si elle est croyante et se trouve dans un cadre religieux (Eloge de la conscience, Seuil, 1994). En dépit de sa liberté, le choix de la conscience se présente comme un choix précaire, toujours risqué et difficile, puisqu’il s’agit de la nécessité d’opter entre des possibilités et donc de choisir ce qui paraît le plus sensé ou bien le moins périlleux. La liberté de conscience fait appel pour cela à des certitudes morales, à des convictions vécues, que chacun doit avoir pour vivre en société, peu importe ses origines. Rejeter les normes de la société, c’est aussi se choisir une morale, qui a son prix.

C’est ainsi que le choix des normes morales s’impose pour la conduite de la vie. La norme en question est de deux sortes : l’une extérieure, objective, c’est la loi morale ; l’autre est intérieure à l’être humain éclairé par la raison, c’est la conscience morale. C’est à l’intérieur de soi que se réalise l’adéquation de l’homme avec lui-même assumant sa propre réalisation et orientation. Mais aussi fondamental que puisse être le jugement moral intérieur, aussi inaliénable que soit la norme intérieure, il n’en reste pas moins qu’on est pas seul au monde. On est une personne parce qu’on réalise un type d’être commun avec les autres. C’est pourquoi il est encore nécessaire pour la raison de postuler des normes objectives, extérieures, pour la régulation objective de l’être-avec-les-autres en société.

Emmanuel AVONYO, op

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