« Il est inutile de chercher à persuader qui que ce soit tant que l’on n’a pas évacué une bonne fois les causes générales et spéciales de l’ignorance et de l’erreur humaines. Pour ne parler ici que de la malignité et du poison vénéneux des causes générales, je dirai qu’il y a trois causes qui font obstacle à ce que devrait être la vision du vrai : les exemples dont l’autorité est fragile ou indigne de ce nom; le poids des habitudes; le gros bon sens des foules sans expérience. Le premier (obstacle) conduit à l’erreur; le deuxième paralyse; le troisième rassure indûment. L’autorité ne doit jamais être prise sans examen ni discernement. Aristote lui-même nous incite (à la critique) quand il écrit dans l’Ethique : « Vérité et amitié nous sont chères l’une et l’autre, mais c’est pour nous un devoir sacré d’accorder la préférence à la vérité. » De même, La vie d’Aristote rapporte que Platon aurait dit : » Je suis l’ami de Socrate, mais davantage celui de la vérité », phrase qu’Aristote aurait à son tour appliquée à Platon. »
Bacon (Roger), Compendium studii theologiae, 1292