Pensée du 08 novembre

« Un silence d’adoration est la seule louange qui convienne finalement au parfait, à l’Etre plein, terre vivante où germent et d’où fleurissent toutes choses ».

SERTILLANGES, A.–D.  Saint Thomas d’Aquin

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GRILLE DE LECTURE

Dans le quotidien factuel de son existence, l’homme se découvre ‘‘co-existant’’ du réel. Ce qui veut dire qu’il est et partage son être-là avec le réel. En ce sens, le réel se définit comme la chose présente qui se met en évidence[1]. Une évidence qui rentre en dialogue avec l’homme et le conduit au pied de la question : « Pourquoi y a-t-il donc quelque chose et non pas plutôt rien »[2]. Au cœur de cette question, se dresse la prétention rationnelle de courir le risque de questionner jusqu’au bout, d’épuiser l’inépuisable de cette question par le dévoilement de ce qu’elle exige de demander[3].

L’homme a bien conscience que le réel qu’il est et qu’il rencontre dans une unité diversifiée est l’ici d’un ailleurs, le député de ce qui supporte la vie, la façonne et lui donne son contenu. Cette réalité est provisoirement fixée dans ce que la tradition métaphysique a nommé l’Etre en tant qu’Etre. Il (l’Etre) est pensée pure qui se prend pour objet de pensée, qui meut sans être mû et qui meut par amour selon Aristote.

Situé donc dans la proximité comblante de cet Etre, l’homme cherche à prendre ce qui le prend. Il veut en rendre compte par le biais du langage humain. Dans cette dynamique, il tente d’entrer dans le sens (sinnan sinnen). L’homme veut en réalité rendre hommage à ce qui le fait être. Il aperçoit cet hommage comme une vocation dans la mesure où il se découvre berger de l’Etre. Il est le berger en ce sens qu’il est la terre de noblesse qui se laisse revendiquer par l’Etre pour dire sa vérité. Aussi recourt-il à la parole pour rendre témoignage à cette vérité, parole qui est son mode d’être propre. Ainsi rend-il grâce et hommage à l’Etre par le biais de la parole qui se fait concept et énoncé.

Or dans le sillage de cette liturgie d’action de grâce, il s’avère fort malheureusement que l’homme rend hommage à l’Etre sans l’Etre. Car ce qu’il a découvert et qu’il veut célébrer s’est déjà retiré. En fait, il est de la quiddité de l’Etre de retenir sa vérité. Une retenue qui est la guise première de sa déclosion. A cet effet, le signe premier de la retenue est l’A-lèthéia. Selon Heidegger, l’Etre lui-même se dérobe en sa vérité, il s’y abrite et s’héberge lui-même dans cet abri[4]. Fort de ce fait, il en résulte que la dite ‘‘sage’’ ne se laisse pas capturer par un énoncé et exige de nous silence et écoute. Un silence qui n’est évidemment pas un mutisme mais, un silence qui se transmue en écoute et en obéissance.

Par le silence en effet, l’homme loue véritablement l’Etre. C’est-à-dire qu’il alloue le silence au déploiement de l’Etre. Dès lors l’on comprend pourquoi « un silence d’adoration est la seule louange qui convienne finalement au parfait, à l’être plein, terre vivante où germent et  fleurissent toutes choses ». Au total, l’homme pour témoigner de l’Etre doit s’adonner à la méditation qui est l’abandon à ce qui mérite qu’on l’interroge. « Par le silence de l’adoration vient au jour la parole. Cette parole qui est la fleur de la bouche. En elle fleurit la terre à la rencontre de la floraison du ciel »[5].

Klaourou Elvis Aubin

e.klaourou@yahoo.fr

Pensée du 07 novembre

NUL N’ENTRE ICI S’IL N’EST GEOMETRE

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[1] Martin HEIDEGGER, Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, tel Gallimard, 1958, p. 62.

[2] Martin HEIDEGGER, Introduction à la philosophie, trad. , Paris, Gallimard, 1, p. 13.

[3] Ibidem, p. 20.

[4] Martin Heidegger, Chemin qui ne mène nulle part, trad. Wofgang BROKMEIR, Paris, Gallimard, 1962, p. 369.

[5] Acheminement vers la parole, trad. Jean Beaufret, Wofgang BROKMEIR, François Fédier, Paris, Gallimard, 1959, p. 191.

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