Pensée du 03 décembre 09

« La responsabilité pour les autres n’a pas été un retour à soi, mais une crispation, irreboutable, que les limites de l’identité ne peuvent pas retenir. La récurrence se fait identité en faisant éclater les limites de l’identité, le principe de l’être en moi, l’intolérable repos en soi de la définition.»

EMMANUEL LEVINAS, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence

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GRILLE DE LECTURE

C’est un repas solide qui est servi au café philosophique de l’academos de ce jour. Qui pourra réaliser un saut dans cette pensée ? Ces mises en garde disent assez l’humilité dont nous nous armons avant de tenter d’arracher quelques miettes de compréhension à ce qui tombe de la table des grands.

La réflexion sur la responsabilité constitue l’un des thèmes fondamentaux de la pensée de Levinas. Nous avons donc le devoir de nous soumettre à l’analyse phénoménologique de ce penseur de la relation d’altérité afin de découvrir au cœur de celle-ci la « signifiance » de la responsabilité. Levinas essaye d’éveiller le Moi à la dimension d’une responsabilité indéclinable. Il nous révèle la relation absolue reliant la subjectivité et l’altérité.

Nous pouvons affirmer qu’en parlant d’une responsabilité pour l’autre, Levinas fait signe vers un double clivage. Deux pour l’autre se succèdent dialectiquement. Il y a un premier qui surgit du dévoilement de l’autre, et un second qui établit ma responsabilité. Figurons-nous que la montration de l’autre suscite déjà une crispation identitaire. Mais Levinas appelle à aller plus loin, c’est-à-dire, jusqu’à la substitution. L’appel récurrent de l’autre à venir à son secours fait éclater les limites de l’identité qui se décline désormais par l’impossible repos en soi.

La crispation de l’identité face au dévoilement est une passivité qui subit une nouvelle irruption, celle qui décuple notre responsabilité. En cela, le retour en soi comme le repos ne sont pas possibles. « Cette passivité de la récurrence à soi qui n’est pas cependant l’aliénation d’une identité trahie – que peut-elle d’autre sinon la substitution de moi aux autres ? » se demande Levinas (A. E. p. 144). Impossible de ne se soucier que de soi. Le Moi doit être responsable pour l’autre. La responsabilité dans l’obsession ou la récurrence de l’autre est une responsabilité du moi pour ce que le moi n’avait pas voulu.

Emmanuel AVONYO, op

Pensée du 02 Décembre

L’academos

Sommaire

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2 responses to this post.

  1. Posted by Yves Sobel on décembre 3, 2009 at 4:06 pm

    Une présentation pédagogique fort claire de la notion de substitution et de ses implications figure pp. 281-283, 292-300 et 308-328 dans « De la bible au talmud, suivi de L’itinéraire de pensée d’Emmanuel Levinas » de Georges Hansel (Odile Jacob, 2008)

  2. Nous sommes ravi de votre apport et vous en remercions. C’est un livre qu’il faudra découvrir et lire pour une meilleure compréhension de Levinas que nous ne connaissons pas. Nous ne serons pas moins ravi de vous lire sur la question de la substitution.
    Emmanuel

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