« Même si la liberté n’est pas le tout de l’homme, même si elle est toujours conditionnée et limitée, elle est le bien le plus précieux de l’homme, car c’est en référence à elle que tout le reste pourra avoir du sens pour lui, y compris ce qui ne dépend en aucune manière de son libre arbitre. »
André LEONARD, Le fondement de la morale.Essai d’éthique philosophique.
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GRILLE DE LECTURE
La liberté de l’homme n’est pas un acte pur. C’est une liberté seulement humaine, une liberté finie, une liberté conditionnée. En effet, la liberté humaine est finie parce qu’elle est motivée. Elle est mue et fécondée par des motifs qui proviennent des fonds troubles de l’inconscient et des filets paralysants de l’involontaire. En outre, la liberté est seulement humaine dans la mesure où elle est incarnée. L’homme est libre certes, mais dans un corps, et même grâce à un corps qui lui offre des pouvoirs spontanés et des savoir-faire préformés. Bien plus, la liberté de l’homme est conditionnée parce qu’elle porte la marque résistante d’une nécessité étrangère qui lui échappe, le sceau d’un involontaire absolu radicalement hors de ses prises. L’homme a comme sa raison d’être en dehors de lui-même, et pourtant il est le seul être dont la liberté fait la dignité. Du sommet de sa liberté, l’homme est enjoint d’accepter la cohabitation avec la non-liberté comme une nécessité indéclinable. Affirmer que la liberté n’est pas le tout de l’homme, c’est reconnaître qu’il n’est pas que liberté, que sa liberté porte l’indice de ses propres limites, et que celle-ci est tout au plus une lente libération. La liberté n’est pas le tout de l’homme mais elle est son bien le plus précieux.
Dans la vie de l’homme tout prend sens à partir de sa liberté. Aucun acte humain n’a de sens s’il n’est situé sous l’orbe de l’homme compris comme liberté et responsabilité. C’est grâce à sa liberté que son consentement à tel ou tel acte n’est jamais une abdication, mais une adhésion dont les raisons sont assumées. La liberté de l’homme est certes précaire, mais elle est exquise. Ainsi, l’homme se retrouve à parier toujours sur la liberté. André Léonard relève que même les esprits qui, sur le plan théorique, sont les plus enclins à nier l’existence de la liberté, ont déjà parié pour elle sur le plan pratique de l’existence. Même ceux qui font de l’homme le jouet de ses passions finissent par admettre implicitement une victoire possible du Cogito éclairé sur l’inconscience absolue. Au vrai, même les métaphysiciens les plus déterministes ne ferment jamais complètement les portes de la liberté. Sinon, on penserait simplement que tout est programmé dans la vie du philosophe, y compris ses objections contre la liberté. Il serait plus juste de parler d’une autodétermination de l’homme qui intègre les déterminismes qu’il transcende.
Emmanuel AVONYO, op