Pensée du 24 juin 18

« Les passions ne sont point mauvaises en elles-mêmes. Rien n’est mieux entendu, rien n’est plus utile pour entretenir la société, pourvu que la raison les excite et les conduise. Car comme les hommes sont sensibles, il faut les instruire par leurs sens, et les mener où ils doivent aller, par quelque chose qui les frappe et les mette en mouvement. Ces maîtres sages ou froids, sans vivacité et sans passion, n’avancent pas beaucoup ceux qu’ils conduisent. Car les enfants ou les serviteurs, dont l’esprit n’est point fait à la raison, marchent lentement vers la vertu, si on ne les sollicite, si on ne les pique sans cesse. Mais il ne faut jamais les frapper sans les éclairer, sans qu’ils sachent ce qu’on leur demande, et qu’ils le puissent même exécuter avec plus de facilité, que de supporter les maux dont on les afflige. Comme on ne peut se déterminer sans motif, il faut les mettre en état de pouvoir choisir avec joie, et faire volontiers ce qui ne vaut rien, s’il n’est volontaire. Il faut que leur esprit s’instruise aussi bien que leur machine, et que la crainte des maux ne serve qu’à les porter vers le bien, les approcher de la lumière. »

Malebranche, La recherche de la vérité

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