Pensée du 09 décembre 19

« En ce qui concerne l’agréable, chacun consent à ce que son jugement, qu’il fonde sur un sentiment personnel et privé, et en vertu duquel il dit d’un objet qu’il lui plaît, soit du même coup restreint à sa seule personne. C’est pourquoi, s’il dit : « Le vin des Canaries est agréable », il admettra volontiers qu’un autre le reprenne et lui rappelle qu’il doit plutôt dire : « cela est agréable pour moi » ; et ce, non seulement pour ce qui est du goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui peut être agréable aux yeux ou à l’oreille de chacun. La couleur violette sera douce et aimable pour l’un, morte et sans vie pour l’autre. L’un aimera le son des instruments à vent, l’autre leur préférera celui des instruments à corde. Ce serait folie d’en disputer pour récuser comme inexact le jugement d’autrui qui diffère du nôtre, tout comme s’il s’opposait à lui de façon logique ; en ce qui concerne l’agréable, c’est donc le principe suivant qui est valable : A chacun son goût (pour ce qui est du goût des sens). Il en va tout autrement du beau… »

KANT, Critique de la faculté de juger, trad. J.-R. Ladmiral, M. B. de Launay et J.-M. Vaysse, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, t. 2, pp. 968-969.


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