Posts Tagged ‘La raison dans l’histoire’

Pensée du 18 janvier 11

« D’une façon générale, nous devons dire que, dans l’Afrique intérieure, la conscience n’est pas encore arrivée à l’intuition de quelque chose de solidement objectif, d’une objectivité. Par objectivité solide, il faut entendre Dieu, l’éternel, le juste, la nature, les choses naturelles. Dans la mesure où il est en rapport avec une semblable entité bien consistante, l’esprit sait qu’il dépend d’elle, mais en même temps dans la mesure où il s’élève vers elle, il sait aussi qu’elle est une valeur. Les Africains, en revanche, ne sont pas encore parvenus à cette reconnaissance de l’universel. Leur nature est le repliement en soi. »

Kostas Papaioannou, Hegel, La raison dans l’histoire, Plon, 1995, p. 250.

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Pensée du 15 juin 10

« Le premier reproche qu’on adresse à la philosophie, c’est d’aborder l’histoire avec des idées et de la considérer selon les idées. »

Friedrich Hegel, La raison dans l’histoire.

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GRILLE DE LECTURE

Nous savons tous ce qu’est l’histoire, l’histoire universelle par exemple. Nous nous en faisons une idée suffisante. Ce qui dérange l’esprit, c’est que l’on affirme qu’il existe une philosophie de l’histoire. Vouloir considérer philosophiquement l’histoire exige une justification car, selon une façon de voir les choses, ce serait considérer l’histoire avec des idées, des concepts. En fait, la philosophie de l’histoire est une considération pensante de l’histoire, et la pensée ne peut pas renoncer à penser quelque chose. Toutes les fois qu’on s’occupe de l’histoire, la pensée est impliquée. La philosophie de l’histoire se justifie par la participation universelle de la pensée à tout ce qui est humain. Ce qui révulse davantage le sens commun, c’est qu’on attribue à la philosophie des idées qui lui soient particulières et que la spéculation aurait engendrées d’elle-même sans référence au réel.

Aux dires de Hegel, la philosophie, pense-t-on, aborde l’histoire avec des idées, elle l’arrange suivant ses idées au lieu de la laisser telle qu’elle est. L’histoire se réfère à ce qui est passé. A sa démarche semble s’opposer le Concept qui se détermine essentiellement lui-même. Nous voyons souvent dans l’histoire des éléments et des conditions naturelles fort éloignées du Concept. On considère que l’unique tâche de l’histoire est la pure compréhension de ce qui a été et ce qui est. L’histoire est vraie dans la mesure où elle s’en tient uniquement au donné et dans la mesure où l’événement constitue son seul but. Ce but semble en contradiction avec la démarche de la philosophie. Le philosophe de l’histoire Hegel considère que ces fausses réflexions qui sont perpétuellement en train d’être inventées sont infiniment nombreuses.

Hegel tente de mettre au clair cette contradiction et le blâme qu’encourt la philosophie de l’histoire. Il place le rapport entre la pensée et le fait historique dans sa lumière. Il fait remarquer que la seule idée qu’apporte la philosophie à l’histoire est l’idée de Raison. Le concept de Raison affirme que la Raison gouverne le monde et que, par conséquent, l’histoire universelle s’est aussi déroulée rationnellement. Cette conviction, si elle est une présomption par rapport à l’histoire comme telle, c’en est pas une pour la philosophie, qui la démontre. La connaissance spéculative établit rigoureusement que la Raison est la substance de l’histoire, sa puissance infinie. La Raison étant sa propre présupposition, elle donne être et consistance à l’histoire. L’Idée est le vrai, l’éternel, la puissance absolue. Rien ne se manifeste dans le monde qui ne soit l’Idée.

Emmanuel AVONYO, op

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Pensée du 10 janvier 10

« Parce qu’il est le Logos incarné, l’homme est essentiellement l’ennemi de l’Etre : il est l’être négatif qui est uniquement dans la mesure où il supprime l’Etre »

Kostas PAPAIOANNOU in Hegel, La Raison dans l’Histoire

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GRILLE DE LECTURE

Ce grand interprète contemporain de Hegel a rédigé l’introduction à La Raison dans l’Histoire de Hegel. Il nous situe ici au cœur de la négativité, le moteur rationnel de l’histoire. La dialectique hégélienne prévoit une succession de phases opposées. Le Réel, comme un tout, est toujours en lui-même une unité différenciée, l’unité de déterminations opposées : position, négation et négation de la négation. Mais cette négation n’est qu’une façon de relativiser l’objet nié dans son être afin de l’élever à une nouvelle signification. Dans l’homme, l’identité de l’Absolu passe dans la différence et l’objectivité. Et selon cette considération, ne peut-on pas dire que l’homme est l’ennemi de l’Etre, et qu’il est essentiellement l’être négatif ? C’est une évidence hégélienne.

Seul l’homme peut nier la totalité du donné parce que l’homme est le Concept, le Logos qui s’enracine dans l’histoire, existant concrètement de manière empiriquement perceptible. Pour être le Logos, il est un être supra-naturel, il est Dieu même parvenu à une existence charnelle enfin adéquate à son être. Dans ce processus de division existentielle de l’unité originaire de l’Absolu, l’homme émerge comme négativité pure. La négativité nous permet de saisir l’homme sous une double détermination identitaire : d’un côté, en tant que Concept divin, il manifeste et réalise la vie divine, sa vie est libération de Dieu nié dans la Nature. Contrairement à la vision de Platon, l’homme est quelque chose d’infiniment plus haut car ce qui erre ainsi, c’est l’esprit ; de l’autre, en tant que négativité naturelle, il est comme le « négateur » de l’Idée, le « suppresseur » de l’Etre. Dieu qui meurt dans la Nature, s’éveille par la négation en l’homme qui à son tour oppose une négation totale à l’ensemble du donné. C’est toute la raison d’être de l’homme.

Emmanuel AVONYO, op