Archive for the ‘ESTHETIQUE’ Category

Pensée du 17 novembre 19

« Éveiller l’âme : tel est, dit-on, le but final de l’art, tel est l’effet qu’il doit chercher à obtenir. C’est de cela que nous avons à nous occuper en premier lieu. En envisageant le but final de l’art sous ce dernier aspect, en nous demandant notamment quelle est l’action qu’il doit exercer, qu’il peut exercer et qu’il exerce effectivement, nous constatons aussitôt que le contenu de l’art comprend tout le contenu de l’âme et de l’esprit, que son but consiste à révéler à l’âme  tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Il nous procure, d’une part, l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas, et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu’il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. C’est ce que l’art a pour tâche de représenter, et il le fait au moyen de l’apparence qui, comme telle, nous est indifférente, dès l’instant où elle sert à éveiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus élevé. C’est ainsi que l’art renseigne sur l’humain, éveille des sentiments endormis, nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. Nous voyons ainsi que l’art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme. «  Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » : telle est la devise qu’on peut appliquer à l’art ».

HEGEL, Esthétique.

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Pensée du 03 novembre 19

Quelle est l’attitude du savant face au monde ? Celle de l’ingéniosité, de l’habileté. Il s’agit toujours pour lui de manipuler les choses, de monter des dispositifs efficaces, d’inviter la nature à répondre à ses questions. Galilée l’a résumé d’un mot : L’essayeur. Homme de l’artifice, le savant est un activiste… Aussi évacue-t-il ce qui fait l’opacité des choses, ce que Galilée appelait les qualités : simple résidu pour lui, c’est pourtant le tissu même de notre présence au monde, c’est également ce qui hante l’artiste. Car l’artiste n’est pas d’abord celui qui s’exile du monde, celui qui se réfugie dans les palais abrités par l’imaginaire. Qu’au contraire l’imaginaire soit comme la doublure du réel, l’invisible, l’envers charnel du visible, et surgit la puissance de l’art : pouvoir de révélation de ce qui se dérobe à nous sous la proximité de la possession, pouvoir de restitution d’une vision naissante sur les choses et nous-mêmes. L’artiste ne quitte pas les apparences, il veut leur rendre leur densité… Si pour le savant le monde doit être disponible, grâce à l’artiste il devient habitable. »

Maurice Merleau-Ponty

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Pensée du 29 octobre 19

« Dans une montre, une partie est l’instrument qui fait se mouvoir les autres; mais un rouage n’est pas la cause efficiente qui engendre les autres ; une partie, il est vrai, existe pour l’autre, mais non par cette autre. La cause efficiente de ces parties et de leur forme n’est pas dans la nature (de cette matière) mais au-dehors, dans un être qui peut agir en vertu d’idées d’un tout possible par sa causalité. C’est pourquoi, dans une montre, un rouage n’en produit pas un autre et encore moins une montre d’autres montres, en utilisant (organisant) pour cela une autre matière ; elle ne remplace pas d’elle-même les parties dont elle est privée et ne corrige pas les défauts de la première formation à l’aide des autres parties ; si elle est déréglée, elle ne se répare pas non plus d’elle-même, toutes choses qu’on peut attendre de la nature organisée. Un être organisé n’est pas seulement une machine – car celle-ci ne détient qu’une force motrice -, mais il possède une énergie formatrice qu’il communique même aux matières qui ne la possèdent pas (il les organise), énergie formatrice qui se propage et qu’on ne peut expliquer uniquement par la puissance motrice (le mécanisme). »

Kant, Critique de la faculté de juger

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Pensée du 27 octobre 19

« En s’engageant beaucoup plus radicalement dans leur activité, le scientifique, le philosophe et l’artiste découvrent avec Emmanuel Levinas que « le véritable désir est celui que le désiré ne comble pas, mais creuse », et qu’il est cherché ici ce qui, loin de pouvoir être trouvé et conquis conceptuellement, ouvre à une nuit mystique, à cette sorte de « nullité » signifiant, non une insuffisance, un rien, mais une transcendance par quoi, dans une déprise (Entlassung), l’homme apprend à simplement devenir témoin et citoyen du sens. Pour tout dire, l’homme rencontre ce que Gabriel Marcel appelle le mystère, ce qui, me cernant et me concernant, m’enveloppant et m’impliquant, ne saurait être tout entier devant moi. En nous faisant sentir le mystère de l’univers et de la matière, de l’être et de l’homme, de la beauté et du symbole, science, philosophie et art, ne conduisent-ils pas à la même sagesse, celle du SENS RENCONTRÉ que nulle logique ne saurait subsumer ni arraisonner, mais qui, en tant que flamme du divin, vient en toute simplicité auprès de nous mendier sa vie en nous demandant de le contempler, d’être les gardiens des semences du possible ? »

PAUQUOUD KONAN JEAN-ELYSÉE, Science, philosophie, art : le point X de la rencontre, Paris, Publibook, 2014 (Préface de DIBI K. AUGUSTIN, p. 11,12)

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Pensée du 26 octobre 19

« La science, la philosophie et l’art, comme formes privilégiées d’accès au réel, ont pour horizon téléologique ultime l’avènement de l’expérience fondamentale de la mystique… Quand elles consentent à l’humble effort de se rendre fluides en elles-mêmes pour quêter l’aqua ignea, l’eau passée par l’épreuve du feu qui ne cesse de les irriguer, ces trois disciplines ne se surprennent-elles pas à être portées sur les rivages de quelque chose les invitant à confesser l’infini inconnaissable, l’absolu de la donation du divin laissant suggérer symboliquement et allusivement sa suressence, dans la gratuité et la libéralité du SENS ? »

PAUQUOUD KONAN JEAN-ELYSÉE, Science, philosophie, art : le point X de la rencontre, Paris, Publibook, 2014 (Préface de DIBI K. AUGUSTIN, p. 11,12)

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Pensée du 25 octobre 19

« La science, la philosophie et l’art, comme formes privilégiées d’accès au réel, ont pour horizon téléologique ultime l’avènement de l’expérience fondamentale de la mystique… Quand elles consentent à l’humble effort de se rendre fluides en elles-mêmes pour quêter l’aqua ignea, l’eau passée par l’épreuve du feu qui ne cesse de les irriguer, ces trois disciplines ne se surprennent-elles pas à être portées sur les rivages de quelque chose les invitant à confesser l’infini inconnaissable, l’absolu de la donation du divin laissant suggérer symboliquement et allusivement sa suressence, dans la gratuité et la libéralité du SENS ? »

PAUQUOUD KONAN JEAN-ELYSÉE, Science, philosophie, art : le point X de la rencontre, Paris, Publibook, 2014 (Préface de DIBI K. AUGUSTIN, p. 11,12)

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Pensée du 29 juin 19

« Éveiller l’âme : tel est, dit-on, le but final de l’art, tel est l’effet qu’il doit chercher à obtenir. C’est de cela que nous avons à nous occuper en premier lieu. En envisageant le but final de l’art sous ce dernier aspect, en nous demandant notamment quelle est l’action qu’il doit exercer, qu’il peut exercer et qu’il exerce effectivement, nous constatons aussitôt que le contenu de l’art comprend tout le contenu de l’âme et de l’esprit, que son but consiste à révéler à l’âme  tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Il nous procure, d’une part, l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas, et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu’il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. C’est ce que l’art a pour tâche de représenter, et il le fait au moyen de l’apparence qui, comme telle, nous est indifférente, dès l’instant où elle sert à éveiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus élevé. C’est ainsi que l’art renseigne sur l’humain, éveille des sentiments endormis, nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. Nous voyons ainsi que l’art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme. «  Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » : telle est la devise qu’on peut appliquer à l’art ».

HEGEL, Esthétique


Pensée du 28 juin 19

« (…) D’ailleurs cette joie que donne l’habilité à imiter ne peut jamais être que relative et il convient mieux à l’homme de trouver de la joie dans ce qu’il tire de son propre fond. En ce sens, l’invention technique la plus insignifiante a une valeur bien supérieure et l’homme a lieu d’être plus fier d’avoir inventé le marteau, le clou, etc., que de réaliser des chefs-d’oeuvre d’imitation. S’efforcer de rivaliser avec la nature en l’imitant abstraitement, c’est un tour de force comparable à celui de l’homme qui s’était entraîné à jeter des lentilles à travers un petit orifice sans jamais le rater. Alexandre, devant qui il exhibait son habilité, lui fit donner un boisseau de lentilles, pour prix d’un talent si inutile et si vide de sens.

Etant donné que ce principe de l’imitation est tout formel, dès qu’on le prend comme fin de l’art le beau objectif disparaît du même coup. Car on ne s’occupe plus dans ce cas de trouver ce qu’on doit reproduire, on s’occupe seulement de le reproduire correctement. L’objet et le contenu du beau sont considérés comme parfaitement indifférents. Mais si on parle du beau et de laid à propos d’animaux, d’hommes, de pays, d’actions, de caractères, c’est qu’on fait intervenir un critère qui n’appartient pas en propre à l’art, puisqu’on ne lui a laissé d’autre fonction que l’imitation abstraite. Faute d’un critère qui permette de choisir les objets et de les répartir en beaux  et en laids, on s’en remet au goût subjectif, qui ne peut édicter aucune règle et ne peut être discuté. »

HEGEL, Esthétique, introduction.

Pensée du 27 juin 19

« (…) Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si on les compare aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer l’homme, c’est le plaisir de créer quelque chose qui ressemble à la nature. Et de fait, il peut se réjouir de produire lui aussi, grâce à son travail, son habilité, quelque chose qui existe déjà indépendamment de lui. Mais justement, plus la reproduction est semblable au modèle, plus sa joie et son admiration se refroidissent, si même elles ne tournent pas à l’ennui et au dégoût. Il y a des portraits dont on a dit spirituellement qu’ils sont ressemblants à vous en donner la nausée. Kant donne un autre exemple de ce plaisir qu’on prend aux imitations : qu’un homme imite les trilles du rossignol à la perfection, comme cela arrive parfois, et nous en avons vite assez ; dès que nous découvrons que l’homme en est l’auteur, le chant nous paraît fastidieux; à ce moment, nous n’y voyons qu’un artifice, nous ne le tenons ni pour une oeuvre d’art, ni pour une libre production de la nature. Nous attendons tout autre chose des libres forces productives de l’homme; pareille musique ne nous touche que, dans la mesure où, jaillie de la vitalité propre du rossignol, sans aucune intention, elle ressemble à l’expression de sentiments humains. D’ailleurs cette joie que donne l’habilité à imiter ne peut jamais être que relative et il convient mieux à l’homme de trouver de la joie dans ce qu’il tire de son propre fond (…) »

HEGEL, Esthétique, introduction.


Pensée du 26 juin 19

« L’opinion la plus courante, qu’on se fait de la fin que se propose l’art, c’est qu’elle consiste à imiter la nature … Dans cette perspective, l’imitation, c’est-à-dire l’habilité à reproduire avec une  parfaite fidélité les objets naturels, tels qu’ils s’offrent à nous, constituerait le but essentiel de l’art, et quand cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction. Cette définition n’assigne à l’art que le but formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est du travail superflu, car ce que nous voyons représenté et reproduit sur des tableaux, à la scène ou ailleurs : animaux, paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison ou parfois dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances. En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature. Car l’art est limité dans ses moyens d’expression et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu’un seul sens; en fait, quand l’art s’en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant, que la caricature de la vie. On sait que les Turcs, comme tous les mahométans ne tolèrent pas qu’on peigne ou reproduise l’homme ou toute autre créature vivante. J. Bruce, au cours de son voyage en Abyssinie, ayant montré à un Turc un poisson peint, le plongea d’abord dans l’étonnement, mais bientôt après en reçut la réponse suivante : « Si ce poisson, au Jugement Dernier, se lève contre toi et te dit : Tu m’as fait un corps, mais point d’âme vivante, comment te justifieras-tu de cette accusation? » Le prophète lui aussi, comme il est dit dans la Sunna, répondit à ses deux femmes, Ommi Habiba et Ommi Selma, qui lui parlaient des peintures des temples éthiopiens : « Ces peintures accuseront leurs auteurs au jour du Jugement. »

HEGEL, Esthétique, introduction.

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