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Pensée du 07 juin 10

« Même si la liberté n’est pas le tout de l’homme, même si elle est toujours conditionnée et limitée, elle est le bien le plus précieux de l’homme, car c’est en référence à elle que tout le reste pourra avoir du sens pour lui, y compris ce qui ne dépend en aucune manière de son libre arbitre. »

André LEONARD, Le fondement de la morale.Essai d’éthique philosophique.

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GRILLE DE LECTURE

La liberté de l’homme n’est pas un acte pur. C’est une liberté seulement humaine, une liberté finie, une liberté conditionnée. En effet, la liberté humaine est finie parce qu’elle est motivée. Elle est mue et fécondée par des motifs qui proviennent des fonds troubles de l’inconscient et des filets paralysants de l’involontaire. En outre, la liberté est seulement humaine dans la mesure où elle est incarnée. L’homme est libre certes, mais dans un corps, et même grâce à un corps qui lui offre des pouvoirs spontanés et des savoir-faire préformés. Bien plus, la liberté de l’homme est conditionnée parce qu’elle porte la marque résistante d’une nécessité étrangère qui lui échappe, le sceau d’un involontaire absolu radicalement hors de ses prises. L’homme a comme sa raison d’être en dehors de lui-même, et pourtant il est le seul être dont la liberté fait la dignité. Du sommet de sa liberté, l’homme est enjoint d’accepter la cohabitation avec la non-liberté comme une nécessité indéclinable. Affirmer que la liberté n’est pas le tout de l’homme, c’est reconnaître qu’il n’est pas que liberté, que sa liberté porte l’indice de ses propres limites, et que celle-ci est tout au plus une lente libération. La liberté n’est pas le tout de l’homme mais elle est son bien le plus précieux.

Dans la vie de l’homme tout prend sens à partir de sa liberté. Aucun acte humain n’a de sens s’il n’est situé sous l’orbe de l’homme compris comme liberté et responsabilité. C’est grâce à sa liberté que son consentement à tel ou tel acte n’est jamais une abdication, mais une adhésion dont les raisons sont assumées. La liberté de l’homme est certes précaire, mais elle est exquise. Ainsi, l’homme se retrouve à parier toujours sur la liberté. André Léonard relève que même les esprits qui, sur le plan théorique, sont les plus enclins à nier l’existence de la liberté, ont déjà parié pour elle sur le plan pratique de l’existence. Même ceux qui font de l’homme le jouet de ses passions finissent par admettre implicitement une victoire possible du Cogito éclairé sur l’inconscience absolue. Au vrai, même les métaphysiciens les plus déterministes ne ferment jamais complètement les portes de la liberté. Sinon, on penserait simplement que tout est programmé dans la vie du philosophe, y compris ses objections contre la liberté. Il serait plus juste de parler d’une autodétermination de l’homme qui intègre les déterminismes qu’il transcende.

Emmanuel AVONYO, op

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Pensée du 14 février 10

« … Quelque chose d’absolu est nécessairement engagé dans l’existence morale de l’homme. »

André Léonard, Le fondement de la morale, essai d’éthique philosophique.

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GRILLE DE LECTURE

L’homme ne peut pas se passer de morale. Une existence est avant tout morale puisqu’il n’y a pas d’existence humaine sans activité de l’homme, et qu’il n’y a pas d’action humaine sans principes moraux. La morale peut se définir comme la science normative catégorique de l’agir humain. Elle fixe les normes inconditionnelles de l’action de l’homme. Parce qu’elle rappelle ce que l’homme doit être compte tenu de sa nature profonde, la philosophie morale ne peut manquer de se prononcer sur le sens de l’être humain, et sur sa destinée totale. La philosophie aide à savoir que les grandes facultés humaines que sont l’intelligence et la volonté, sont constitutivement ouvertes sur l’infini, sur l’absolu, et même sur l’Absolu.

Par son intelligence, l’homme à la différence de l’animal, n’est pas seulement ouvert sur tel ou tel objet ou ensemble d’objets, il est infiniment ouvert sur toute réalité en général, voire sur tout sens simplement possible. Descartes affirmait que c’est par l’intelligence que l’homme ressemble le plus à l’Absolu. Il faut y voir l’indice de la grandeur de l’intelligence humaine, malgré ses humiliations par Pascal. Cette grandeur de l’intelligence fait que l’esprit humain n’est jamais rassasié par une somme, même très grande, de connaissances. Il aspire toujours à plus, il s’élance vers des horizons nouveaux, qu’il n’épuisera pas non plus (parce que près de trois millénaires de science n’ont pas mis un terme à la quête de sens de l’homme). Seule la vérité plénière de l’être lui-même, seule, en fin de compte, la plénitude de l’Etre subsistant pourrait le combler totalement.

De même, la volonté humaine, c’est-à-dire, le désir humain, à la différence de l’appétit animal, n’est pas limité, dans son dynamisme à certaines fins déterminées. Il est orienté de manière absolue, vers cela même qui est capable de le saturer, à savoir la bonté, non pas de tel ou tel bien ou ensemble de biens, mais de l’être lui-même en totalité, et finalement de celui qui est le Bien subsistant. Même la somme intégrale de tous les biens finis le laisserait insatisfait. Cela est su de tout le monde. C’est pourquoi la volonté, en chacun de ses mouvements particuliers, se déborde à l’infini en direction d’un surcroît. L’on pourrait multiplier les exemples, pour évoquer l’expérience de l’amour. L’homme court après un objet qu’il étreint grandement et qui pourtant lui échappe infiniment. Il se cache derrière tout cela une soif d’absolu.  L’Absolu n’est-il pas la limite idéale de tous les êtres ? (Hegel) C’est ce qui fait dire à André Léonard qu’il y a quelque chose d’absolu qui est engagé en le moindre de nos actes volontaires et intelligents. C’est aussi pourquoi la norme morale est absolue et catégorique.

Emmanuel AVONYO, op

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