Posts Tagged ‘Henri Bergson’

Pensée du 04 mai 11

« La mort de Bergson a été une perte pour l’univers. »

A. – D. Sertillanges, Henri Bergson et le catholicisme, Paris, Flammarion, 1941, p. 5.

________________________________________________________________________

GRILLE DE LECTURE

Sur un mur du panthéon de Paris, une inscription rend hommage à Henri Bergson : « A Henri Bergson… Philosophe dont l’œuvre et la vie ont honoré la France et la pensée humaine. » C’est aussi en des termes très dithyrambiques que Sertillanges salue la mémoire du philosophe Henri Bergson. Né le 18 octobre 1859 et mort le 04 janvier 1941 à Paris, cet intellectuel français a marqué l’histoire de la pensée, ne serait-ce que par ses quatre principaux ouvrages que sont : Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), Matière et mémoire (1896), Evolution créatrice (1907), Les deux sources de la morale et de la religion (1932).

Sertillanges se pose la question suivante à son sujet : « Les âmes mystiques savent un gré infini à leur Dieu d’être grand. A l’égard des génies, ce sentiment ne serait-il pas de mise ? » Pourquoi pas, d’autant plus que Henri Bergson fut l’un de ces génies dont le commerce nous hausse momentanément à leur niveau. Il était persuadé de la légitimité de la croyance en même temps qu’il répudiait la « religion de la science ». Quand il prononçait une vérité, celle-ci s’enfonçait dans les esprits comme des dards spirituels. Ses écrits étaient poussés à une transcendance que leur texture propre communiquait. Philosophe à part entière, Henri Bergson s’interdisait toute affirmation qu’il ne pût appuyer philosophiquement et verser au trésor commun de la connaissance. Il a ramené les esprits à la métaphysique qui ouvre à un spiritualisme nouveau.

C’est pourtant par des chemins détournés que Bergson arriva à la philosophie. D’après Sertillanges, son attrait intellectuel le portait initialement vers les mathématiques, pour lesquelles il était excellemment doué. Seulement, fabriqué comme il était, voulant se rendre compte de tout, il ne tarda pas à se heurter aux problèmes philosophiques posés par la mathématique même. C’est l’exemple de la question du temps, qui accapara son attention d’une façon décisive et orienta sa philosophie ultérieure. Placé comme Samson entre les deux colonnes du temple du savoir de son temps que sont le scientisme positiviste et le kantisme, son esprit ne trouve satisfaction ni ici ni là.

En effet, l’auteur des Données immédiates de la conscience dédaigne une lecture matérialiste de l’homme ; il répugne également au kantisme, pour ce qu’il a d’arbitraire et d’opposé aux évidences immédiates. A la manière d’un débiteur riche qui n’emprunte que pour faire valoir. Bergson professe d’ailleurs devoir beaucoup à Maine de Biran. Il était fidèle à ses maîtres et plein de reconnaissance à leur égard. Sa mystique du savoir avait un volet kénotique. Sertillanges rappelle ces paroles bergsoniennes : « Je cherche, on verra bien. Si j’aboutis à quelque chose, je le ferai volontiers connaître ; sinon je me tairai. » L’humilité des grands hommes cache toujours mal leurs vertus multiformes. Peut-être, la mort de Bergson plus que celle d’autres philosophes contemporains a-t-elle été une réelle perte pour l’univers.

Emmanuel AVONYO, op

Pensée du 16 février 12

« L’histoire de l’évolution de la vie, si incomplète qu’elle soit encore, nous laisse déjà entrevoir comment l’intelligence s’est constituée par un progrès ininterrompu, le long d’une ligne qui monte, à travers la série des Vertébrés, jusqu’à l’homme. Elle nous montre, dans la faculté de comprendre, une annexe de la faculté d’agir, une adaptation de plus en plus précise, de plus en plus complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions d’existence qui leur sont faites. De là devrait résulter cette conséquence que notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l’insertion parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière. »

Henri Bergson, L’Evolution créatrice, Paris, PUF, 1959 (Introduction).

_________________________________________________________________________

Pensée du 11 février 11

«Le philosophe n’obéit ni ne commande. Il cherche à sympathiser.»

Henri Bergson, La pensée et le mouvant

_______________________________________________________________________

GRILLE DE LECTURE

Cette pensée de Bergson illustre bien l’articulation entre l’intuition et la sympathie philosophiques. Chaque philosophe donne sa définition de la philosophie, mais tous se rejoignent sur l’essentiel : l’homme comme objet de toute recherche philosophique. L’homme n’apparaît au sommet de la démarche bergsonienne qu’au bout de l’exercice de la philosophie comme une méthode. En ce sens, l’intuition désigne le rapport de l’esprit humain à lui même en tant que pure intériorité, tandis que la sympathie permet à l’esprit de sortir de lui-même pour coïncider profondément avec des réalités extérieures. Cette sympathie touche aussi bien aux objets de connaissance qu’aux hommes, au vital des formes vivantes qu’au social de la société. C’est en cela que l’intuition et la sympathie se complètent et s’identifient comme deux méthodes philosophiques ayant le même but. L’intuition philosophique devient essentiellement sympathie avec les choses (dans l’ordre cognitif) et avec les hommes (dans l’ordre politique). C’est aussi en cela que la sympathie pourrait être la caractéristique majeure du philosophe qui ne servirait à rien s’il s’enfermait dans sa tour de connaissance intuitive. Il lui faut encore assumer une existence sociale par une ascension spirituelle et éthique dont le plus court chemin est l’homme. Le philosophe a moins à commander qu’à obéir à l’appel de la transcendance qui s’incruste dans l’homme et l’appelle à une responsabilité indéclinable. Le philosophe demeure à l’écoute de l’être, il en est le berger disait Heidegger. Ce rôle du philosophe est une conquête. Le philosophe cherche à sympathiser, il s’efforce d’être le berger de l’être par la sympathie avec l’être, par l’adhérence à son objet. Il se peut que le philosophe soit de cette manière le défenseur d’un humanisme pratique, le héraut d’un humanisme en acte qui réaffirme l’homme comme valeur et la vie spirituelle comme visée de l’être.

Emmanuel AVONYO, op

Pensée du 16 janvier 11

« Une intelligence tendue vers l’action qui s’accomplira et vers la réaction qui s’ensuivra, palpant son objet pour en recevoir à chaque instant l’impression mobile, est une intelligence qui touche quelque chose de l’absolu. L’idée nous serait-elle jamais venue de mettre en doute cette valeur absolue de notre connaissance, si la philosophie ne nous avait montré à quelles contradictions notre spéculation se heurte, à quelles impasses elle aboutit ? Mais ces difficultés, ces contradictions naissent de ce que nous appliquons les formes habituelles de notre pensée à des objets sur lesquels notre industrie n’a pas à s’exercer et pour lesquels, par conséquent, nos cadres ne sont pas faits. La connaissance intellectuelle, en tant qu’elle se rapporte à un certain aspect de la matière inerte, doit au contraire nous en présenter l’empreinte fidèle, ayant été clichée sur cet objet particulier. Elle ne devient relative que si elle prétend, telle qu’elle est, nous représenter la vie, c’est-à-dire le clicheur qui a pris l’empreinte. »

Henri Bergson, L’Evolution créatrice, Paris, PUF, 1959 (Introduction).

_______________________________________________________________________

 

Pensée du 14 octobre 10

« La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. »

Henri BERGSON, Evolution créatrice

Pensée du 1er février 10

«Le philosophe n’obéit ni ne commande. Il cherche à sympathiser.»

Henri Bergson, La pensée et le mouvant

_______________________________________________________________

GRILLE DE LECTURE

Cette pensée de Bergson illustre bien l’articulation entre l’intuition et la sympathie philosophiques. Chaque philosophe donne sa définition de la philosophie, mais tous se rejoignent sur l’essentiel : l’homme comme objet de toute recherche philosophique. L’homme n’apparaît au sommet de la démarche bergsonienne qu’au bout de l’exercice de la philosophie comme une méthode. En ce sens, l’intuition désigne le rapport de l’esprit humain à lui même en tant que pure intériorité, tandis que la sympathie permet à l’esprit de sortir de lui-même pour coïncider profondément avec des réalités extérieures.

Cette sympathie touche aussi bien aux objets de la connaissance qu’aux hommes, au vital des formes vivantes qu’au social de la société. C’est en cela que l’intuition et la sympathie se complètent et s’identifient comme des méthodes philosophiques ayant le même but. L’intuition philosophique devient essentiellement sympathie avec les choses (dans l’ordre cognitif) et avec les hommes (dans l’ordre politique). C’est aussi en cela que la sympathie pourrait être la caractéristique majeure du philosophe qui ne servirait à rien s’il s’enfermait dans sa tour de connaissance intuitive.

Il lui faut encore assumer une existence sociale par une ascension éthique dont le plus court chemin est l’homme. Le philosophe a moins à commander qu’à obéir à l’appel de la transcendance qui s’incruste dans l’homme et l’appelle à une responsabilité indéclinable. Le philosophe demeure à l’écoute de l’être, il en est le berger. Ce rôle du philosophe est une conquête. Le philosophe cherche à sympathiser, il s’efforce d’être le berger de l’être par la sympathie avec l’être, par une adhérence à son objet. Il se peut que le philosophe soit de cette manière le défenseur d’un humanisme pratique, le héraut d’un humanisme en acte qui réaffirme l’homme comme valeur et la vie spirituelle comme visée de l’être.

Emmanuel AVONYO, op

SOMMAIRE>>>

Pensée du 18 décembre 09

« Nous appelons intuition la sympathie par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet, pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inestimable. »

HENRI BERGSON, La pensée et le mouvant

________________________________________________________________

GRILLE DE LECTURE

Nous définissons l’intuition de différentes manières. Pour Descartes, c’est un acte de saisie immédiate de la vérité, comme ce qui s’impose à l’esprit avec clarté et distinction. L’intuition comme connaissance directe s’oppose à la déduction, qui parvient à la vérité par la médiation de la démonstration. Kant, en présentant les intuitions sensibles comme le seul mode de donation des objets, fait de l’intuition la façon dont un objet nous est donné ; si tout donné est nécessairement sensible avec Kant, il ne s’agit plus d’intuition intellectuelle comme chez Descartes. Kant appelle intuitions pures, ou formes a priori de la sensibilité, l’espace et le temps.

Chez Bergson, l’intuition est le seul mode de connais­sance susceptible d’atteindre la durée ou l’esprit, par opposition à l’Intelligence, qui a pour vocation de penser la matière. L’intuition n’est pas qu’une connaissance immédiate, sans intermédiaire, c’est une puissance réflexive par laquelle « l’énergie spirituelle » tourne le dos à la physique du monde, pour se tourner vers le moi dans un effort empreint de « violence ». L’intuition dont il est question est une intuition métaphysique. C’est un moyen de posséder la réalité absolument, de se placer en elle au lieu d’adopter des points de vue sur elle.

Sa conception de l’intuition garde une certaine connotation cartésienne sans s’y réduire. La philosophie reste une intention vers le sujet. C’est une méditation, un dialogue intérieur et médiateur. C’est pourquoi l’intuition comme intention philosophique n’est pas privée de méthode. Car l’ « immédiation » de Bergson n’est que le terme du parcours intuitif qui passe par l’analyse régressive des faits. L’adhérence intuitive à l’être une forme de sympathie, d’union métaphysique.

L’intuition porte le sujet connaissant à s’unir avec l’être à connaître dans un rapport vital qui consiste à se ramasser de la périphérie de son être vers le centre. La première réalité avec laquelle le sujet connaissant sympathise, c’est son « moi qui dure ». Mais il se dépasse pour gagner les autres êtres grâce à l’interpénétration des consciences humaines. L’esprit étant le domaine propre de l’intuition, l’homme peut saisir dans les choses analysées leur participation à la spiritualité.

Emmanuel AVONYO, op

Pensée du 17 décembre

L’academos

Sommaire