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Pensée du 03 mars 10

« C’est à cause de la violence qu’il faut passer de l’éthique à la morale. »

Paul Ricœur, « Ethique et morale », in Lectures 1 – Autour du Politique

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GRILLE DE LECTURE

Faut-il distinguer entre éthique et morale ? Cette question divise philosophes, éthiciens et moralistes. A priori, rien ne permet d’opposer l’éthique à la morale, car ethos et mores renvoient tous aux mœurs. Mais Ricœur introduit une « nuance conventionnelle » entre ces deux termes. L’éthique désigne la visée d’une vie accomplie sous l’orbe d’actions estimées bonnes, alors que la morale concerne des actions encadrées par des normes, des obligations, et caractérisées par une exigence d’universalité et un effet de contrainte. L’exigence d’universalité des normes découle du fait que les règles formelles ne définissent que des critères généraux auxquels tout homme doit soumettre son action.

Un acte éthique est celui qui vise le bien, un acte moral est celui qui obéit à des règles ou à des devoirs. La distinction entre éthique et morale consacre l’opposition de l’héritage aristotélicien et de l’héritage kantien, de la notion de la fin de l’action (vie heureuse) et de celle de l’obéissance au devoir. Pour Ricœur, l’éthique prime sur la morale, mais il faut encore que la vie éthique passe sous le contrôle des normes. Les normes permettent de repousser ou de dissuader les violents, elles contristent tout ce qui peut empêcher l’éthique d’atteindre le bien universel. La relation sociale spontanée d’homme à homme est fondamentalement marquée par la violence, l’exploitation de l’autre, les brimades diverses.

Dans les situations d’interaction humaine, l’exercice du pouvoir met aux prises un agent et une victime de l’action du premier. C’est l’exemple des tortures, viols, vols, tromperies, ruses et différentes figures du mal politique que condamne la morale et que sanctionne le droit. Lorsque l’on passe de l’éthique à la morale, les lois ne sont pas simplement morales (se proposant à la conscience), elles sont aussi juridiques (mesures contraignantes). Des sanctions légales peuvent donc être prises contre les violences perpétrées. Les lois permettent de réguler les relations humaines, de contrôler et de limiter l’exercice de la violence sur les partenaires sociaux. Mais le passage à la morale n’affranchit pas l’éthique de toute référence au bon. C’est pourquoi Ricœur dit que « le juste » est écartelé entre une référence ineffaçable au bien et les opérations normatives de la pratique légale.

Emmanuel AVONYO, op

SOMMAIRE>>>

La justice peut-elle se passer de déontologie ? (2)

L’Atelier des concepts, par Emmanuel AVONYO, op

Semaine du 15 février 2010

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Deuxième section : Le concept déontologique de justice

Nous venons de montrer (première section) que le sens de la justice en lien avec le souhait de la vie bonne est la problématique sous-jacente à la justice à caractère téléologique. Le point de vue que nous allons défendre dans cette troisième partie s’inspire du deuxième théorème de la théorie du juste de Paul Ricœur. « Le sens de la justice élevé au formalisme que requiert la version contractualiste du point de vue déontologique ne saurait se rendre entièrement autonome de toute référence au bien…»[1] En d’autres termes, une théorie purement procédurale de la justice n’est pas possible. Pour rendre raison de ce théorème, nous procédons en trois temps : après avoir situé Rawls par rapport à Kant, nous présenterons la justice déontologique et contractuelle de Rawls, avant de voir comment le problème posé par l’idée de distribution juste et l’hétérogénéité réelle des biens à distribuer empêchent le niveau déontologique de s’autonomiser au point de constituer un niveau exclusif de référence.

Nous vous proposons de découvrir la deuxième section de cet article

>>> LE CONCEPT DEONTOLOGIQUE DE JUSTICE

Voir aussi la première section ?

LE CONCEPT TELEOLOGIQUE DE JUSTICE



[1] Paul Ricœur, Le Juste, Paris, Editions Esprit, 1995, p. 21.

La justice a-t-elle besoin de déontologie ? (1)

L’Atelier des concepts, par Emmanuel AVONYO, op

Semaine du 08 février 2010

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Première section : Le concept téléologique de justice

A quoi bon un article sur la déontologie de la justice ? Dans une réflexion publiée récemment à L’ACADEMOS sous le titre « Quelle déontologie de la justice pour une paix sociale durable », nous tenions la position selon laquelle tout comme il existe des stratégies et des lois pour une « guerre juste », il serait temps de penser une déontologie de la justice pour accéder à une paix sociale durable. Considérant que la justice est le plus court chemin vers la paix, nous avions essayé de proposer un contenu à la justice avec les modalités formelles de sa mise en œuvre tirées de la pensée de Rawls. Peut-être n’avions-nous pas pris la mesure de toute l’étendue de notre hypothèse de travail. Une lectrice a eu l’idée lumineuse de nous poser la question de savoir si la justice avait besoin de déontologie. Le présent travail est donc un effort de clarification de notre pensée et une tentative de réponse à cette question essentielle à la compréhension du concept de justice en lien avec la pratique sociale.

Nous vous proposons de découvrir la première section de cet article

>>> LE CONCEPT TELEOLOGIQUE DE JUSTICE

Voir aussi la deuxième section ?

LE CONCEPT DEONTOLOGIQUE DE JUSTICE


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Les paradoxes de la justice procédurale de John Rawls selon Paul Ricoeur

Les enjeux politiques de la justice comme équité de John Rawls