« C’est tout ce que mérite la bévue des ignorants qui supposent qu’en adoptant l’utilité comme critérium du bien et du mal, les utilitaristes donnent à ce mot le sens étroit et propre de la langue familière, qui oppose utilité au plaisir. »
JOHN STUART MILL, L’utilitarisme
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GRILLE DE LECTURE
Il n’est pas aisé de saisir ce que John Stuart Mill insinue dans ce passage. Nous savons que ce philosophe utilitariste à une réputation particulière. Georges Tanesse dit de lui qu’il un disciple indocile, plus brillant par son caractère que par sa clairvoyance. Il s’est très vite écarté de la ligne de son maître Bentham au moment de l’élaboration de sa philosophie pratique. Il s’est permis par exemple de reprocher à son père comme à son maître dans un ouvrage sans auteur de n’avoir eu qu’une vision très incomplète de la réalité. Le sentiment moral, l’obligation du devoir et la conscience morale leur auraient échappé.
Le philosophe John Stuart Mill n’a pas toujours défendu en l’état la doctrine utilitariste. Mais dans la pensée que nous analysons, il semble prendre la défense de l’utilitarisme. Il convient de savoir contre quoi il prend le parti utilitariste. Il s’excuse d’abord auprès des philosophes parce que les utilitaristes leur auraient donné l’impression d’opposer utilité et plaisir, alors que l’utilitarisme est traditionnellement accusé de réduire l’utilité au plaisir. John Stuart Mill y voit un contresens qu’il faut élucider. Pour lui, d’Epicure à Bentham, utilité rimait avait plaisir comme absence de douleur. Il reproche en réalité aux philosophes qui entretiennent cette confusion concernant l’utilitarisme leur légèreté d’esprit et leur prétention. C’est par ignorance qu’ils ont fait de ce terme un usage aussi erroné.
Ensuite, pour sauver l’utilitarisme de cet avilissement, John Stuart Mill ne s’est pas contenté de blanchir sa famille spirituelle. Il s’attaché à purifier la notion de plaisir. Que le bonheur soit la fin de l’action humaine, il ne trouve rien à redire. Mais il refuse de l’identifier à la satisfaction des désirs sans distinction de qualité. Pour lui, une hiérarchie de dignité entre les tendances s’impose. C’est à une redéfinition de l’utilitarisme qu’il a procédé, mais après avoir adressé des invectives à leurs prétentieux détracteurs.
Emmanuel AVONYO, op
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